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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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femmes, Moussu Pierre,
poursuivit-elle avec autorité. C’est le diable. Et quand cela se fera, il n’y
aura point mariage en l’église, mais paillardise ignominieuse et cachée dans
une grotte sous le regard d’une chèvre. Hélas, pauvre Jonas ! Plus bel
homme oncques ne fut en Sarladais ! Si grand, si fort, et si velu !
Mais on dit bien : luxure et paillardise sont les chemins de l’enfer.
    — Tu
dois le savoir, dit Barberine, à qui ce discours déplut, toi qui en ta grange
fautas quatorze fois avec un capitaine des Roumes.
    — Quinze,
dit la Maligou en se signant. Mais je ne fautai point. Comme tu sais, je fus
forcée. Du moins la première fois. Les fois suivantes, je m’abandonnai à la
volonté de Dieu.
    La
frérèche nous attendait dans la librairie en compagnie d’un vieillard
entièrement vêtu de noir qui, avec sa barbe blanche, son visage pâle, sa forte
carrure et sa majestueuse immobilité, nous parut ressembler au Moïse de notre
Bible. Je sus plus tard qu’il s’appelait Raymond Duroy et qu’il était ministre
de la religion réformée à Sarlat, bien que de façon encore clandestine.
Sauveterre, lui aussi vêtu de noir, et Raymond Duroy étaient tous deux assis,
l’air grave et le maintien austère. Mais mon père, vêtu de vert (qui était la
couleur de ma mère), allait et venait, se campait devant la fenêtre, pivotait
sur ses talons, revenait se poster derrière le fauteuil de Sauveterre dont il
empoignait le dossier des deux mains, puis, s’éloignant de nouveau, retournait
à la fenêtre, le visage non pas tant grave que tendu, incapable, visiblement,
de rester une minute en même place, et comme à son ordinaire, le pas élastique,
le dos droit, le mouvement vif, le geste élégant, et par moments, mettant les
mains aux hanches dans son attitude favorite, il gonflait son torse puissant
et, levant le menton, il tournait la tête de droite et de gauche d’un air
impatient.
    — Eh
bien, mes droles ! dit-il en nous voyant entrer et son visage s’éclairant
soudain, mais résistant à l’envie de nous enlever dans ses bras et de nous
embrasser. Avez-vous vu la louve ? Est-elle belle ? Êtes-vous
contents ?
    — Nous
le sommes, dis-je, un peu réticent après ce que je venais d’entendre dire à la
Maligou.
    — Eh
bien, dit mon père, qui tenait beaucoup, depuis ma fameuse querelle avec
François, à ce que régnât la concorde parmi ses fils, saluez votre aîné et
asseyez-vous.
    Je
m’avançai et aperçus François, que le dossier de sa chaise nous avait jusque-là
caché, et qui était assis face à la frérèche et à Raymond Duroy, les bras
croisés, l’air grave, la vertu même. Je le saluai et, se penchant, il me fit
l’honneur de me baiser sur les deux joues ainsi que Samson.
    — Mes
fils, poursuivit mon père avec quelque solennité et se souvenant de son latin,
nous avons à vous faire part et d’une nouvelle de conséquence et d’une grave
décision que nous avons prise, M. de Sauveterre et moi.
    Il
fit une pause et reprit :
    — La
nouvelle, la voici : François II est mort le 5 décembre d’une
défluxion d’humeur à l’oreille. Il a régné un an et demi à peine. Il avait
seize ans quand il est mort.
    Il
s’arrêta et regarda le ministre Duroy comme s’il attendait un commentaire, et
le ministre, les mains reposant sur les bras du fauteuil, et levant vers nous
sa longue barbe blanche et son visage pâle, dit d’une voix grave sans sortir de
son immobilité :
    — Pour
le coup, Dieu est apparu ! Il a frappé le père à l’œil et le fils à
l’oreille. Le premier, parce qu’il ne voulait pas voir les vérités de la
Réforme. Le second, parce qu’il ne voulait pas les entendre.
    — La
conséquence, dit mon père, la voici : les Guise ont été bannis du pouvoir.
Et l’heure n’a jamais été si favorable dans tout le royaume à notre cause. Deux
Princes du sang ont pris notre parti : Anthoine de Bourbon, roi de
Navarre, et son frère le prince de Condé, que les Guise avaient emprisonné,
mais que la reine Catherine, qui est régente, Charles IX étant encore mineur,
vient d’élargir. Coligny est rétabli dans ses titres. Il est à nouveau amiral
de France, et d’Andelot de nouveau colonel général de l’infanterie. Dix évêques
dans le royaume se sont prononcés pour nous, dont l’évêque de Périgueux. Le
chancelier nommé par la Reine Catherine, Michel de L’Hospital, nous favorise en
secret, et la régente

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