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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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le Baron, dit-il d’une voix quelque peu altérée,
que, selon les termes du traité de Cateau-Cambrésis, la France doit de toute
façon rendre Calais à l’Angleterre en 1567...
    — Ou,
à cette date, le garder définitivement et, en compensation, verser alors à
l’Angleterre une somme de cinq cent mille écus. Et quel roi de France, quel que
soit celui qui régnera alors, préférerait la solution que je viens de dire à
celle que vous avez évoquée ?
    — Mais
c’est cette solution qu’adoptera assurément le prince de Condé, la guerre
finie.
    — Mais
il ne le pourra pas ! cria mon père avec passion.
    Il
se leva et, pivotant autour de son fauteuil, il crispa les deux mains sur le
dossier. Après un temps, et le visage bouleversé, il reprit avec un mélange de
douleur et de colère :
    — Il
ne le pourra plus ! Puisqu’il a donné Le Havre en gage à la reine
Elizabeth ! Et pensez-vous qu’elle s’en dessaisira pour une somme
d’argent, quand le seul but de l’aide qu’elle nous prête est de ravoir
Calais ?
    Après
cet éclat, mon père se rassit, encore tout tremblant d’indignation, et bien que
Sauveterre ne fût pas sorti de son immobilité, je voyais bien, à son visage,
qu’il partageait tous les sentiments de mon père sur ce déplorable marché.
    Après
un long silence, Monsieur de L. dit d’une voix basse et détimbrée, mais non
sans un air de dignité qui parut faire quelque impression sur mon père :
    — Je
pense, monsieur le Baron, que lorsque le prince de Condé et l’amiral de Coligny
ont signé le traité d’Hampton Court, ils ne se sont pas bien rendu compte
qu’ils engageaient si gravement l’avenir de Calais. Ils ont pu penser que
l’option de racheter la ville leur resterait ouverte. Le temps les pressait.
Dans tout le royaume, c’était sur les nôtres la curée et l’hallali. Mais le
prince et l’amiral se jugeraient malheureux et infâmes s’ils avaient eu la
pensée d’amoindrir le royaume.
    — Et
cependant ils l’ont hypothéqué ! dit Sauveterre. La France a attendu deux
cent dix ans pour reprendre Calais aux Anglais, et Dieu sait le sang et les
larmes qu’une telle entreprise a coûtés. Demandez-le au Baron de Mespech. Il y
était ! Et maintenant, de quelques traits de plume, le prince et l’amiral
ont perdu la ville. Et pourquoi ? Pour un secours de six mille soldats
anglais, dont trois mille encore doivent occuper Le Havre ! Et une aide de
cent mille couronnes ! Contribution dérisoire au regard de ce qu’obtient
Elizabeth ! Un morceau du royaume de France, et non des moindres !
    Après
cet éclat, il y eut un long silence, et Monsieur de L. dit d’une voix
grave :
    — Bien
que présent, je n’étais pas partie, messieurs, aux négociations d’Hampton
Court. Je reconnais que la dure nécessité où nous étions de conclure a permis à
la reine anglaise de nous étrangler, que nos engagements sont tout à fait
fâcheux, et qu’il y a là, en bref, un marché fort mauvais. Mais après tout, un
traité n’est qu’un traité... Condé et Coligny se battent, le dos au mur.
Monsieur le Baron de Siorac, allez-vous leur refuser votre concours, alors
qu’il s’agit de rien moins que de la survie de la vraie religion dans le
royaume de France ?
    Mon
père se leva et fit quelques pas dans la pièce, le visage très troublé et les
mains derrière le dos, tandis que Sauveterre le regardait avec anxiété, ses
fils aussi. Car nous craignions qu’il ne pût résister à un appel aussi
pressant, et nous le voyions déjà à cheval, armé en guerre, et quittant Mespech
pour aller rejoindre Condé et Coligny dans une guerre incertaine et, à ses
yeux, illégitime.
    — Monsieur,
dit enfin Jean de Siorac en se rasseyant et en parlant avec assez de calme, si
je vous dis non, je vais me sentir malheureux à l’excès, car j’aurai
l’impression que je me sépare, dans les faits, sinon dans mon cœur, de notre
cause. Mais si j’accepte, je le serai pareillement, car je prendrai alors les
armes contre ma nation et contre mon Roi. Et c’est pourtant, ajouta-t-il d’une
voix sourde, au premier parti que je vais me ranger. Je ne rejoindrai pas le
prince de Condé. Non, monsieur, je vous en prie, n’ajoutez rien. Tout ce que
vous pourriez me dire maintenant, je me le suis cent fois répété.
    Je
regardai Samson, infiniment soulagé, et bien que François, immobile comme une
image, ne tournât pas la tête, il me sembla voir qu’il

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