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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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de
raison de la frérèche) apparut sous les murs de Mespech à la nuit tombante
avec une petite escorte, et bien que les consignes de sécurité fussent alors
très strictes à Mespech, les deux Jean, qui paraissaient l’attendre, l’admirent
sans difficulté, lui et sa petite troupe. Celle-ci cependant  – que l’on nourrit
et abreuva  – ne reçut pas permission de se mêler à nos gens, mais fut
cantonnée dans la grange où Alazaïs, seule, fut dépêchée pour les servir.
    Quant
à Monsieur de L., il prit son repas, non dans la salle commune, mais en la
librairie avec la frérèche, servi par François, Samson et moi, fort excités du
mystère qui entourait le personnage, et au comble de la fierté, quand mon père
nous invita à rester en sa compagnie après le repas. François avait alors
quinze ans, Samson et moi, nous allions sur nos douze ans déjà, et mon père
estimait sans doute que si nous étions assez grands droles pour participer à la
défense de Mespech (car nous étions chaque jour exercés à l’épée, à l’arquebuse
et à la pique par nos soldats), nous pouvions être admis, bien qu’encore muets
comme carpes, au conseil où se décidaient les destinées de la baronnie.
    Monsieur
de L., que je regardais avec beaucoup de curiosité, me surprit assez. Il avait
une fraise plus large, un pourpoint plus riche, et un visage moins austère que
les huguenots que nous recevions d’ordinaire à Mespech. En outre, il ne parlait
pas d’oc comme nous, mais s’exprimait en français, langue dont, certes, j’avais
l’entendement, mais dont il usait avec un accent que je n’avais jamais ouï, et
que je sus plus tard être celui de Paris. Son visage, sans moustache ou barbe
d’aucune sorte, était comme un galet poli de s’être frotté à tant d’autres
galets à la Cour, son geste était rond, son attitude gracieuse, et bien que son
parler pointu me choquât au premier abord, je reconnus vite que Monsieur de L.
était parfaitement courtois, multipliant les salutations et les compliments, et
employant dix mots quand un seul eût suffi. Il portait le cheveu long, bien
propre et bien bouclé, malgré les incommodités de son voyage à cheval ;
ses gants, que de tout l’entretien il ne quitta pas, firent mon
admiration : ils étaient d’une peau fine et souple que je n’avais jamais
vue en Sarladais.
    — Messieurs,
dit Monsieur de L. après un long prologue de politesses, vous connaissez mon
nom, vous savez qui je sers et vous n’ignorez pas qui m’envoie.
    Il
me parut heureux de ce début, dont il avait dû user plus d’une fois déjà, car
il le récita d’une traite et avec beaucoup d’aisance. En même temps, il prit un
air de fierté modeste, comme s’il portait sur lui, quoique indigne, le reflet
des grandeurs qu’il représentait.
    — Venons-en
au fait de votre ambassade, monsieur, s’il vous plaît, dit mon père qui, le
visage tendu et les mains nerveuses, trouvait ce début un peu long.
    — J’y
viens, dit Monsieur de L. Les nôtres, comme vous savez, se rassemblent à
Gourdon sous la conduite de M. de La Rochefoucauld et de M. de Duras. Ils sont
plusieurs milliers, sans que je sache leur nombre exact, et doivent rejoindre
l’armée du prince de Condé à Orléans. M. de Duras est un homme de guerre, il a
commandé la légion de Guyenne. François de La Rochefoucauld a fait ses preuves,
lui aussi. Mais le prince a pensé que M. le Baron de Mespech, qui a si bien et
si longtemps servi, pourrait apporter à ces deux chefs l’appui de sa valeur et
de son expérience.
    Je
vis à l’air de mon père qu’il n’était en aucune façon étonné par cette
proposition, et qu’en fait, il l’attendait, et qu’elle ne l’enchantait guère.
    — Monsieur,
dit-il avec une courtoisie un peu froide, vous appartenez, je crois, au vidame
de Chartres, et vous l’avez accompagné en Angleterre quand il a négocié, au nom
du prince de Condé et de l’amiral de Coligny, le traité d’Hampton Court avec la
Reine Elizabeth.
    — C’est
vrai, dit Monsieur de L. qui, en dépit de son aisance, trahit ici un profond
embarras.
    — On
dit que pour prix de son aide aux huguenots, la Reine Elizabeth a exigé que les
nôtres livrent Le Havre à ses troupes, gage qu’elle ne rendrait à la France, la
guerre finie, qu’en échange de Calais.
    La
gêne de Monsieur de L. parut croître, et il me parut même qu’il perdait ses
couleurs.
    — Mais
vous n’ignorez pas, monsieur

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