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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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le cœur à la regarder.
    — Pierre,
dit Isabelle, quand j’ai rencontré Jean de Siorac, je portais autour du cou une
médaille de la Vierge. Je voudrais que vous l’acceptiez de moi, et que vous la
portiez, votre vie durant, pour l’amour de moi.
    Je
restai muet, tant l’enormité de ce qu’elle osait me demander me frappait de
stupeur.
    — Pierre !
Pierre ! dit-elle avec une impatience fébrile, et en se soulevant sur ses
oreillers, j’ai peu de temps. Ne tardez pas à me répondre. Acceptez-vous ?
    — J’accepte,
dis-je, mais n’est-ce pas plutôt à mon frère aîné que vous devriez faire ce
présent ?
    — Non,
dit-elle en retombant sur son oreiller et en fermant les yeux. François est
sans caractère. Il ne l’aurait point portée.
    Je
vis que sa main gauche fermée se tendait vers moi, je la saisis, je l’ouvris et
y trouvai la médaille et sa chaîne.
    — Mettez-la,
dit-elle en ouvrant les yeux.
    Je
déboutonnai mon pourpoint et j’obéis, ayant ce faisant l’impression de
commettre à l’égard de mon père une action si noire que je n’oserais jamais
plus, dès cet instant, regarder mon âme en face.
    Isabelle
cligna ses pauvres yeux si creux, si fiévreux et déjà égarés, et elle dit d’une
voix éteinte :
    — Je
ne la vois pas. Est-elle bien autour de votre cou ?
    — Oui.
Elle y est.
    — La
porterez-vous comme je l’ai dit ?
    — Oui.
    Elle
fit un petit geste faible, mais encore impérieux, de la main pour me donner mon
congé, et comme j’allais me détourner, je la vis qui, tout soudain, m’adressait
un regard et un sourire, non de mère, mais de femme. Il éclata avec tendresse
dans son visage moribond, et l’illumina un inoubliable instant, tandis qu’elle
me disait d’une voix extraordinairement douce et ténue, comme si, déjà, elle me
parlait de l’autre monde :
    — Adieu,
Jean.

CHAPITRE VIII
     
     
    On
enterra Isabelle, comme elle l’avait désiré, sous le chœur, dans la petite
chapelle de Mespech. Sur la dalle en pierre ocre du pays qui recouvrait son
cercueil, Jonas entreprit de graver ces mots dictés par mon père :
     
    ISABELLE,
BARONNE DE SIORAC
    1531-1562
     
    Jonas
voulut faire une gravure qui résistât au temps, et pendant deux longues
semaines, où qu’on se trouvât à Mespech et pour peu qu’on prêtât l’oreille, on
entendait résonner les funèbres coups de marteau qu’il frappait sur son burin.
    Jean
de Siorac décida de ne rien changer à la chapelle telle qu’elle était quand ma
mère y oyait la messe. Elle conserva donc intacts sa croix, ses images, ses
ornements et sa statue en bois peint de la Vierge. Il ordonna seulement qu’une
serrure fût mise à la porte, et celle-ci étant fermée à double tour, il serra
la clef dans son cabinet. Quant à notre culte réformé, il continua à se
célébrer, comme au premier jour, dans la salle commune.
    La
mort de ma mère me poigna quelque peu la conscience : il me semblait que
j’eusse dû m’affliger davantage, et d’autant que je savais maintenant que
j’avais été son fils préféré. Mais Isabelle consentait si peu, en sa hauteur, à
connaître ses enfants et, bien qu’elle les aimât fort, elle les aimait de si
loin, que je n’avais jamais senti d’elle à moi assez de chaleur pour que mon
cœur allât à sa rencontre.
    Je
portais fidèlement sur ma poitrine, cachée par mon pourpoint, sa médaille
hérétique, mais c’était là fidélité de serment. De douleur à me percer la
poitrine, je n’en aurais senti que si j’avais perdu à jamais Barberine. Mais
Barberine était de retour parmi nous, déversant à nouveau sur les enfants ses
tendres regards, ses caresses douces, et le gazouillis des sobriquets d’amour
qu’elle nous donnait chaque soir avant de souffler son calel. Elle portait
maintenant, serré en ses beaux bras, un nouvel enfantelet, Jacquou, que mon
père avait juré d’élever, puisqu’elle l’avait conçu tout exprès pour nourrir
celui d’Isabelle. En plus de Jacquou, Annet s’accrochait à ses jupes, déjà
grandet, mais que, selon la coutume du pays, elle nourrissait toujours.
    Ce
retour excepté, il n’y eut pas de changement, après la mort d’Isabelle, dans le
ménage de Mespech. Alazaïs n’était plus utile comme chambrière, mais notre
grande huguenote reluisait de vertus si rares que la frérèche la garda pour
aider aux travaux de la maison, des champs, et aussi, le cas échéant, de la
défense, la forte vierge

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