Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Fourier

Fourier

Titel: Fourier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jonathan Beecher
Vom Netzwerk:
expansion des formes traditionnelles de
production 33 . Paris, en
particulier, est une ville d’artisans qualifiés et de petits ateliers où la
grande industrie n’a guère sa place. A Lyon, où Fourier a passé la plupart de
ses années de formation, l’économie est dominée par l’industrie de la soie,
longtemps réfractaire à la centralisation. Les tisserands travaillent encore,
lorsque Fourier y séjourne, sur des métiers manuels, soit à domicile, soit dans
de petits ateliers, pour le compte d’une classe « de marchands fabricants ». Le
caractère encore très traditionnel de la vie économique à l’époque de Fourier
expliquerait donc qu’il ait minimisé le rôle des usines et de l’industrie en
Harmonie.
    D’autant plus étonnante est la pertinence de ses réflexions sur
les problèmes du travail lorsqu’on les applique aux sociétés pleinement
industrielles qu’il n’a jamais connues. Tous les thèmes majeurs de sa critique
du monde du travail civilisé, nous l’avons vu, ont été repris par les penseurs
de tradition socialiste ; son souci de proscrire les tâches fastidieuses, sa
critique de l’éthique du travail sont plus que jamais d’actualité ; et que dire
de son analyse des répercussions psychologiques d’un travail avilissant et sans
intérêt, quand il n’est pas physiquement éprouvant ? La conscience qu’il a de
l’aliénation, de l’insécurité, des frustrations des petits fonctionnaires, des
employés des services, et de tout le « petit peuple » de la petite bourgeoisie
concerne notre siècle autant que le sien.
    Les théories de Fourier revêtent parfois aujourd’hui une
pertinence rétrospective : Fourier est tellement attentif, par exemple, aux
effets de la dynamique de groupe sur le moral et la productivité des
travailleurs, tellement ingénieux lorsqu’il s’agit d’imaginer de possibles
facteurs de motivation pour le travail, que certains commentateurs ont pu voir
en lui un précurseur du « taylorisme », d’Elton Mayo ou de l’école dite des «
relations humaines » dans la plus récente psychologie industrielle. Les
intérêts substantiels que Fourier promettait à ceux qui investiraient dans la
Phalange peuvent faire opter pour ce point de vue. Mais ce serait une erreur :
plus que de la productivité de la Phalange, Fourier se soucie du bonheur des
Phalanstériens. Jamais il ne cherche à adapter l’ouvrier à son métier, et les
carottes des psychologues industriels ne sauraient rivaliser avec la motivation
profonde qu’il envisage :
    il pense en effet qu’hommes et femmes sont amenés à accomplir
certaines tâches par le seul fait de leurs propres désirs et besoins et que le
travail doit être source de création et de plaisir lorsqu’il n’est plus que le
fruit d’une nécessité interne. C’est parce que la civilisation n’envisage pas
une telle absence de contraintes que le travail y est déprécié. Mais il est
loin d’être en soi indésirable. A choisir, la plupart des gens opteraient pour
le travail contre l’oisiveté. Il n’est donc nul besoin de piéger les gens pour
les mettre à contribution, du moment que l’emploi présente en lui-même de
l’agrément. Cette idée d’une compatibilité fondamentale entre travail, bonheur
et libre expression de soi est ce qui, plus que tout, distingue Fourier des
psychologues industriels, des promoteurs de l’éthique du travail, mais
également de la plupart des grands penseurs de la tradition socialiste.

V
    Vers la fin de sa vie, les questions qui préoccupent Fourier
depuis si longtemps se font tout à coup plus pressantes, avec l’éveil de la
conscience de classe ouvrière et la mise en place de mouvements ouvriers
organisés, que ce soit en France ou en Angleterre. Au début des années 1830,
alimenté par la vague de grèves de 1833 et les révoltes des canuts de Lyon en
1831 et 1834, un débat s’instaure dans la presse française sur les conditions
de vie et de travail des classes ouvrières, et sur l’importance de leur
contribution au bien-être de la société. Il s’en dégage deux points de vue
principaux, souvent énoncés au sein d’un même article : d’une part, l’on
considère le travail comme facteur de création, expression de la puissance et
de la productivité humaines, source de dignité individuelle et de prospérité
collective ; d’autre part, l’on s’inquiète de plus en plus de la déchéance
morale et physique, de l’avilissement

Weitere Kostenlose Bücher