Fourier
soldats
et les blessés des hôpitaux. Quand arrive la fin août, la quasi-totalité des
hommes valides que compte la ville ont été placés sous les armes. Fourier
lui-même est incorporé dans l’armée improvisée de Précy : il semble qu’il ait
pris activement part au combat et participé à une sortie qui faillit lui coûter
la vie 16 **.
** Dans ses écrits, Fourier ne parle pas du rôle qu’il
aurait joué dans la défense de Lyon, mais il évoque parfois des scènes dont il
a été témoin. Ainsi, dans OC X, PM (1851), 118 : « Il faut si peu de choses
pour transformer les enfants en Séïdes. Au siège de Lyon l’on forma des
compagnies de jeunes chasseurs dont plusieurs avaient à peine douze ans. Ils
s’enrôlaient par l’appât d’avoir une épaulette, et c’étaient les plus audacieux
au feu. J’en ai entendu plus d’un dire avant de s’enrôler : Aurai-je
l’épaulette ? - Oui. - Eh bien, va ! [...] Il ne faut qu’un chétif ornement,
qu’un flocon de laine pour entraîner un enfant à la mort. »
L’insurrection de Lyon s’inscrit dans le mouvement
contre-révolutionnaire plus général qui menace de déferler à travers le midi et
l’ouest de la France. Début septembre, il est manifeste que ce mouvement a
échoué. Lyon résiste néanmoins un mois encore aux troupes de la Convention. Les
derniers jours, l’approvisionnement en pain se tarit ; la population en est
réduite à vivre de pommes de terre pourries et à manger les animaux
domestiques. Finalement, le 9 octobre, c’est la capitulation. La ville est
occupée par les troupes commandées par Georges Couthon, du Comité de salut
public. Trois jours plus tard, la Convention décide par vote de faire un
exemple de la ville rebelle :
La ville de Lyon sera détruite. Tout ce qui fut habité par
le riche sera démoli. [...] Le nom de Lyon sera effacé du tableau des villes de
la République. [...] Il sera élevé sur les ruines de Lyon une colonne qui
attestera à la postérité les crimes et la punition des royalistes de cette
ville, avec cette inscription : Lyon fit la guerre à la liberté; Lyon n’est
plus 17 .
Lorsque le décret parvient à Lyon, la répression y va déjà bon
train. Des comités de surveillance ont été mis sur pied pour débusquer et
arrêter tous les suspects de contre-révolution, qui sont ensuite jugés de la
manière la plus expéditive par des tribunaux d’exception.
Parmi les victimes de cette répression figure Bousquet, l’ancien
employeur de Fourier. Ses sympathies royalistes sont trop de notoriété publique
pour qu’il puisse échapper à l’attention du Comité de justice populaire : un de
ses fils est mort dans les combats, un autre a servi d’aide de camp au général
Précy. Le magasin de Bousquet et son appartement de la place de l’Herborerie
sont mis sous scellés ; ses marchandises confisquées; sa maison de campagne à
Oulins mise sous séquestre ; lui-même placé sous surveillance 18 . En ce qui concerne Fourier, les choses
sont moins claires : il ne semble y avoir aucune trace de son nom dans les
archives des tribunaux révolutionnaires 19 .
Mais à l’en croire (et à en croire Pellarin), il aurait été gardé à vue en
plusieurs occasions et n’aurait échappé que de justesse aux exécutions de masse
organisées début décembre par Fouché. Voici le récit de Pellarin :
Sorti une première fois des mains de ceux qui l’avaient
arrêté, Fourier se vit, les jours suivants, ressaisi, puis relâché à diverses
reprises, et demeura de la sorte, quelques semaines durant, sous le coup d’une
menace continuelle de mort. Il subissait jusque à quatre visites domiciliaires
par jour, et à chacune d’elles il fallait faire aux agents de la tyrannie,
hommes non moins cupides que sanguinaires, le sacrifice de quelqu’un des objets
qui restaient encore en sa possession. C’est ainsi qu’il y eut nécessité pour
lui de leur abandonner même sa montre, même en dernier lieu une fort belle
collection de cartes géographiques, à laquelle il tenait beaucoup 20 .
Aux dires de Fourier lui-même, il n’aurait dû la vie sauve qu’au
mensonge : « Trois fois en une seule journée je mentis au comité
révolutionnaire et à ses agents au cours de leurs visites domiciliaires. Le
seul jour j’échappai trois fois à la guillotine en racontant de beaux mensonges 21 . »
Finalement, Fourier parvient à s’échapper de Lyon. Comme
beaucoup d’autres, il trouve refuge dans
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