Fourier
républicain L.-V.-.F. Amard*.
* L.-V.-F. Amard (1777-1847), patron du service de
chirurgie à l’hôpital de la Charité, fut une figure importante de la vie
politique et littéraire de Lyon sous Napoléon puis sous la Restauration. Chef
de file de l’opposition libérale aux Bourbons, il est aussi l’auteur d’ouvrages
sur des sujets aussi bien médicaux que philosophiques, parmi lesquels un Traité
analytique de la folie (1807) et Association intellectuelle, méthode
progressive et d'association, ou de l’art d’étudier et d’opérer dans toutes les
sciences (1821). Ce dernier ouvrage contient des idées sur l’organisation de la
recherche scientifique et sur l’impulsion humaine à former des associations
(impulsion à laquelle Amard donne le nom de « collectisme ») qui sont
intéressantes non seulement pour Fourier, mais aussi pour les disciples de
Saint-Simon et certains des carbonari de la première heure. Voir sur ce sujet
les articles de Bûchez dans Le Producteur, III (1826), 177, et IV (1826), 168
ff, et François de Corcelle, Documents pour servir à l’histoire des
conspirations, des partis et des sectes (Paris, 1831), 59-60, 77.
En plus du fait de publier des traités sur l’association au
même moment, Amard et Fourier avaient un autre point commun : leur hostilité au
milieu littéraire et philosophique parisien, qu’Amard décrit dans une lettre à
Fourier du 7 décembre 1821 (AN 10AS 25 (2)) comme un « petit peuple étroit,
préoccupé de doctrines, d’ambition de paraître, gonflé de science stérile ou
fausse, pétri de préjugés, de vanité ». Sur les relations personnelles de
Fourier avec Amard, voir la lettre de J. Loysel à Victor Considerant, datée de
Wissenbourg, février 1838 (AN 10AS 39 (11) : « Ici demeure un receveur
particulier des finances de nos amis lequel a connu un Monsieur Amar (sic),
médecin distingué à Lyon. Il paraît que ce dernier qui connaissait très bien et
estimait profondément les vues et le caractère de Ch. Fourier à qui même il
aurait souvent donné à dîner et témoigné par toutes sortes de manières affables
son affection, avait des idées analogues d’association qu’il a développées dans
un ouvrage spécial. » Amard était également un ami proche du camarade de
Fourier Jean-Baptiste Gaucel, qui, dans une lettre à Fourier du 12-13 février
1824, AN 10AS 25 (2) fait allusion à lui en ces termes : « le bon et brave
docteur Amar auquel je te prie de dire mille choses affectueuses pour moi ».
Fourier connaissait également Pierre-Simon Ballanche, qui allait
bientôt devenir une figure de proue de la philosophie romantique française et
l’âme de l’école mystique de Lyon. Mais, à l’exception d’Amard, aucun ne semble
avoir pris les aspirations intellectuelles de Fourier très au sérieux. Lorsque
Dumas écrit à Fourier, c’est généralement pour exprimer des souhaits moins pour
« le succès du fameux système » que pour « la prospérité de son auteur 25 ». Quant à Ballanche et aux membres de
son cercle, Fourier n’est pas autre chose pour eux qu’« un homme modeste [...]
jouissant parmi nous autres, jeunes hommes de ce temps, d’une grande réputation
de science géographique 26 ».
Pendant toutes ses années à Lyon, mis à part les deux brefs
épisodes de notoriété que lui vaut la publication de quelques articles dans les
journaux en 1803, puis de la Théorie des quatre mouvements en 1808, Fourier
reste totalement à l’écart des manifestations publiques et institutionnelles de
la vie intellectuelle de la ville. Peiné par ce manque de reconnaissance, il
s’efforce d’en faire une vertu : il se vante de son obscurité ; il excipe de
son absence de titres. Ainsi, dans le premier exposé systématique de sa
théorie, il s’en prend à ses contemporains, qui ont laissé la découverte de
l’attraction passionnée à un « un homme presque illitéré (sic) », un « paria
scientifique ». « C’est un sergent de boutique (écrit-il) qui va confondre ces
bibliothèques politiques et morales, fruit honteux des charlataneries antiques
et modernes. Eh ! Ce n’est pas la première fois que Dieu se sert de l’humble
pour abaisser le superbe 27 . »
Jusqu’à la fin de sa vie, on verra Fourier entonner ce refrain
sur sa formation d’obscur autodidacte : pour s’en plaindre, mais aussi s’en
targuer. Qu’y a-t-il, de toute façon, demande-t-il, à apprendre de Locke, de
Condillac, de toute la
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