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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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leur lit de mort et prennent peur à l’idée de devoir affronter leur Créateur. Avant, tous autant qu’ils sont, ils se comportent comme une meute de loups devant une carcasse.
    — Et pourtant, tu soutiens Borgia, lui rappelai-je.
    Le capitaine haussa les épaules.
    — Mieux vaut un mal connu qu’un bien qui reste à connaître, comme dit l’adage.
    Il se tourna pour observer, sur le mur opposé, la magnifique représentation de la tentation du Christ par Botticelli ; je fis de même. Dans un ultime effort pour pousser notre Seigneur à trahir sa mission sacrée sur Terre, Satan lui offre toutes les richesses du monde, mais se voit repousser par le Christ. Si seulement nous avions un pape qui en fasse de même… mais, en attendant, il fallait bien s’accommoder de ce que l’on avait.
    Me souvenant de la raison pour laquelle j’étais là, j’entrepris d’examiner les fauteuils (les trônes, devrais-je dire) sur lesquels les cardinaux s’assiéraient pour les délibérations officielles. Alignés de chaque côté de l’autel, ils étaient tous surmontés d’un dais rouge. Lors de l’élection d’un pape, tous les cardinaux excepté l’élu se lèvent et baissent personnellement leur dais pour signifier qu’ils acceptent l’issue du vote. En tant que doyen du Sacré Collège, Borgia avait droit au siège le plus proche de l’autel – une position qui pour sûr devait lui sembler tout à fait opportune.
    En résumé, lors du conclave, Borgia allait toucher les bras de son fauteuil, la ficelle du dais et immanquablement bien d’autres choses encore. Il était inconcevable que je sois la seule à posséder le moyen de tuer par contact avec la peau, comme je l’avais fait pour l’Espagnol. Je ne pouvais pas non plus espérer limiter les zones touchées par Borgia. En revanche, je pouvais m’assurer qu’il porte à tout moment des gants, que je lui procurerais moi-même. Et je pouvais également faire en sorte qu’il ne boive et ne mange que les vivres qu’on lui apporterait scellées par mes soins.
    Ce qui ne voulait pas dire qu’ainsi, on ne réussirait pas à le tuer. Le plus protégé des hommes reste vulnérable si son meurtrier est prêt à tout, y compris à donner sa propre vie, pour atteindre son but.
    Jusqu’où Morozzi irait-il ?
    Et moi, jusqu’où irais-je ?
    — Ce n’est pas juste, je trouve, m’exclamai-je.
    — Plaît-il ? demanda Vittoro.
    — Si l’un des opposants de Borgia venait à mourir subitement, on le soupçonnerait tout de suite, comme on l’aurait fait si la mort d’Innocent n’avait pas paru naturelle. Et comme aucun cardinal ne se risquerait à donner le pouvoir suprême à un homme prêt à tuer l’un d’entre eux, il serait obligé de se retirer de la course à la papauté. Mais si lui venait à mourir, combien parmi ses pairs seraient-ils à s’en émouvoir ?
    — Sacrément peu. D’autant que cela n’entraverait en rien leurs propres ambitions.
    J’aurais pu consacrer quelques précieuses minutes à compatir au sort d’Il Cardinale, n’eussé-je été parfaitement consciente que de son côté il se souciait uniquement de La Famiglia et sacrifierait tout (et tous) pour elle. Par conséquent, je me contentai de me tourner vers l’autel pour examiner la bière prête à recevoir le corps d’Innocent, préparé en ce moment même – et qui n’était en fait que l’un des cercueils dans lequel il allait être enterré. Le premier, en plomb, serait placé dans un autre, en cèdre, lui-même placé dans un dernier, en chêne blanc. Il me restait à espérer que ces trois couches suffiraient à contenir la puanteur, attendu que les obsèques en elles-mêmes n’auraient pas lieu avant plusieurs jours. Si j’échouais dans ma mission et si Borgia mourait par la main de Morozzi, d’autres obsèques devraient être organisées à la hâte.
    — Allons voir le reste, dis-je, et je suivis Vittoro dans la salle adjacente à la chapelle, où l’on était en train d’aménager les quartiers des cardinaux. Chacun d’eux aurait droit à un appartement privé dans lequel manger, se reposer, délibérer – et peut-être même y prier, qui sait ? On ne pouvait guère qualifier ce logement temporaire de spartiate, mais bien sûr cela n’avait rien de comparable avec le luxe démesuré dans lequel les princes de notre Mère la sainte Église étaient habitués à vivre.
    — C’est un peu la déchéance pour eux, tu ne trouves pas ? fit observer

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