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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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changerait, si Morozzi parvenait à ses fins.
    Nous montâmes un escalier, passâmes une barrière de gardes en armes, puis entrâmes dans le dédale de bureaux qui fourmillaient de clercs totalement indifférents à notre présence, tant ils avaient à faire présentement.
    — Attends-moi ici, me dit Vittoro avant de disparaître derrière des portes en chêne doré et montants en cuivre.
    Me retrouvant seule, je sentis tout à coup des dizaines de regards converger sur moi : alignés le long du mur devant les bureaux de Borgia, les pétitionnaires attendaient patiemment l’occasion de pouvoir implorer Son Éminence de leur accorder quelque faveur, sans se soucier de savoir qu’il avait des choses plus urgentes à régler. Avocats, cléricaux, courtiers et ce qui paraissait être un artiste ou deux, des musiciens peut-être, tous me scrutèrent sans vergogne de la tête aux pieds. J’étais la seule femme, et ma présence leur donnait manifestement matière à commenter. Un homme particulièrement grassouillet qui m’évoquait un crapaud, probablement un avocat, se pencha vers son voisin (qui paraissait aussi bien nourri que lui) et murmura quelque chose à son oreille. Ils me regardèrent alors et éclatèrent de rire.
    Je réprimai mon envie de les informer que je n’étais pas, comme ils devaient à coup sûr le penser, l’une des femmes du Cardinal ; mais qu’en revanche, j’étais son empoisonneuse. Leur réaction m’aurait remplie d’aise, mais n’aurait pas été sans attirer l’attention sur ma présence. Je me résignai donc à fixer un point à mi-distance jusqu’à ce que Vittoro revienne.
    Le bureau du Cardinal donnait sur la place de la basilique. Les hautes fenêtres avaient été ouvertes pour faire entrer le peu d’air qui circulait. Le superbe plafond était rehaussé de sculptures de séraphins, et des tapisseries ornaient les murs. Sur de longues tables étaient empilés rouleaux de manuscrits, registres et autres documents importants. Les secrétaires de Borgia étaient là, tous trois en plein travail, ainsi qu’une foule de prêtres et de moines qui ne cessaient d’aller et venir, sans aucun doute pour s’acquitter d’une mission de la plus haute importance.
    Borgia lui-même était assis derrière un immense bureau en chêne doré et en marbre. Il leva les yeux lorsque j’entrai, et sourit.
    Puis, il se leva. Il fit le tour de son bureau et m’accueillit chaleureusement.
    — Donna Francesca ! Comme c’est bon de vous voir !
    Tout le monde s’arrêta net. Secrétaires et clercs, tous se figèrent sur place et nous regardèrent. Ou plus exactement me regardèrent. Ce geste si remarquablement courtois, certainement une première dans ce lieu où les femmes comptent pour si peu, allait à coup sûr faire jaser. Étant donné qu’Il Cardinale n’agissait jamais sans raison, c’était manifestement la réaction qu’il escomptait provoquer.
    Combien de temps cela prendrait-il pour que tout le monde soit au courant que Francesca Giordano, la fille de l’empoisonneur qui, à ce qu’on disait, venait de reprendre ses fonctions, avait rendu visite au Cardinal dans ses bureaux à la curie et été reçue avec la plus grande cordialité et le plus grand respect ?
    Que nous avions parlé en privé un moment (c’était vrai), pendant qu’ils essayaient tous de lire nos lèvres, et que nous semblions avoir à discuter de choses de la plus haute importance ?
    — Que cherchez-vous ? demandai-je abruptement à Borgia, alors que nous nous étions rendus dans un coin de son bureau où nous avions un semblant d’intimité.
    Je voulais dire, à quoi songeait-il en rendant notre conversation aussi publique – mais le Cardinal interpréta ma requête d’une tout autre façon.
    — Pardieu, à devenir pape, me dit-il d’un air de feinte surprise. Je pensais que tu le savais.
    Avant que l’exaspération ne m’emporte, je vis la lueur dans ses yeux. Mais je perçus également le sérieux dans sa voix lorsqu’il ajouta :
    — Toutefois, tu dois d’abord faire en sorte que je vive.

22
    L e général grec Thucydide, dans son Histoire de la guerre du Péloponnèse , nous dit qu’il vaut toujours mieux prêter davantage de talent à l’ennemi qu’il n’en a peut-être réellement, plutôt que d’espérer le voir commettre une bourde. Je n’avais pas encore lu cet ouvrage lorsque je m’attelai pleinement à la tâche de garder Borgia en vie, mais possédais suffisamment

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