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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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rendre loquace.
    — L’édit contre les juifs n’est que le signe concret d’une évolution bien plus profonde. Le monde qui existe depuis des siècles, le seul que nous connaissions, se trouve à l’aube d’immenses changements.
    Son regard plongea dans le mien.
    — C’est une nécessité, et une bonne chose, mais ils sont nombreux à vouloir le conserver tel qu’il est. Pour eux le changement est une menace terrible et ils ont raison de le voir ainsi, car l’histoire les balaiera.
    En entendant énoncer aussi clairement la conclusion vers laquelle je tendais confusément, je vis une lumière s’allumer dans les ténèbres.
    — Jusqu’où iront-ils pour se protéger ? demandai-je.
    — Aussi loin que nécessaire. Les juifs ne seront que les premiers à mourir. Leur sang scellera nos tombes à tous.
    Je sentis la nausée me monter à la gorge. L’espace d’un instant, je me retrouvai derrière le mur, regardant impuissante le torrent écarlate submerger mon monde.
    — Que peut-on faire ?
    Borgia vida sa coupe, la reposa sur le bureau, et dit simplement :
    — Me faire élire pape, Francesca. Il n’y a rien d’autre à faire.
    — Della Rovere…
    — Aura peut-être son tour, Dieu nous en garde, mais lorsque je serai mort et enterré, pas avant. Par le diable, pas avant !
    Il souligna son propos d’un grand coup de poing sur le bureau qui me fit sursauter de concert avec les coupes.
    — Morozzi est-il sa créature ? demandai-je lorsque j’eus repris mon souffle.
    — C’est ce que croit della Rovere, mais il se trompe. Morozzi est la créature du Diable, et de personne d’autre.
    Une brise souffla à travers les fenêtres, faisant vaciller la flamme des lampes. Sur son visage se reflétèrent soudain des ombres difformes.
    — Un autre homme de son espèce se rapproche d’ici, continua-t-il. Es-tu au courant ?
    — Torquemada.
    Le nom seul me brûlait la langue.
    Borgia acquiesça d’un signe de tête.
    — Je veux que tu retournes voir les juifs pour les convaincre de ne rien faire de stupide. Ils doivent prendre patience et avoir foi. Je l’emporterai, je le jure. Mais s’ils répondent aux provocations de Torquemada, je ne serai pas en mesure de les aider.
    — Je vais essayer…
    — Tu dois faire mieux que cela ; et d’autre part, Francesca…
    J’attendis, m’armant de courage pour ce qui allait encore venir.
    — Si tu m’avais dit que Morozzi était ton contact au Vatican, je t’aurais mise en garde contre lui. Tu as choisi de garder cette information pour toi, et cela a bien failli nous mener au désastre. Tu ne dois plus jamais agir de la sorte.
    Il avait raison, naturellement. Je n’avais rien pour ma défense, même si je tentai bien de le convaincre du contraire.
    — Sans Morozzi, je n’aurais jamais réussi à atteindre Innocent. Le risque en valait quand même la peine, non ?
    — Est-ce à dire que c’est toi qui l’as tué ?
    Était-ce moi qui avais assassiné le Vicaire de Dieu sur terre, l’héritier de Saint-Pierre et de Moïse, ce petit être abject sur le point de perpétrer des atrocités, ou pas ? Cela faisait-il une différence d’avoir simplement agi en vue de précipiter sa mort ? Serais-je de toute façon damnée ?
    — Je ne sais pas.
    — Et cela t’importe-t-il de le savoir ?
    Le ton moqueur que je crus percevoir me piqua au vif.
    — Bien sûr que cela m’importe ! Jamais je ne saurai pas s’il est véritablement mort de ma main.
    — Tu pourrais également te dire que tu as accompli l’œuvre de Dieu. Cela t’a-t-il traversé l’esprit ?
    — Non, répondis-je honnêtement. Dieu dispose de mille façons… que dis-je, de cent mille façons, pour anéantir un homme sans m’impliquer.
    — Et tu préférerais ne pas l’être ?
    — Bien sûr que oui ! N’attachez-vous donc vraiment aucune importance à mon âme ?
    Au moment même où je l’énonçai, je sus que cette question était absurde. Il restait bien encore quelques vieillards pour se cramponner à leur mitre en marmonnant des prières, mais leur espèce était en train de disparaître. C’étaient les hommes modernes, tels que Borgia, qui faisaient l’Église à présent. Ils l’avaient transformée en une mascarade où seules affectation et duperie importaient, dans le but avoué de distraire la populace pour pouvoir s’occuper de leurs affaires en toute tranquillité.
    Où se trouvait le berger qui saurait affronter de tels loups ?
    Borgia laissa échapper

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