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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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rendis compte que la poussière avait visiblement été déplacée à cet endroit, et je voulus soudain croire que d’autres que nous, peut-être même Morozzi, étaient récemment passés par là.
    Tout à coup le passage s’élargit de nouveau et nous nous retrouvâmes dans un vaste espace dont les dimensions nous échappaient, tant il s’étendait au-delà du cercle de lumière projetée par nos torches. Mais je remarquai tout de même que les murs que nous devinions de chaque côté étaient incurvés et que, au contraire du passage où le sol était en pierre, nous étions ici sur de la terre battue. Le long d’un mur, je distinguai ce qui semblait être des restes de gradins, qui s’arrêtaient brusquement là où on avait construit par-dessus.
    Un peu plus loin nous retrouvâmes le passage, pour être de nouveau stoppés quelques minutes après lorsqu’il se sépara en deux, un chemin continuant tout droit et l’autre allant vers la droite. César fronça les sourcils.
    — Par où est-il allé ?
    Sa question ne semblait pas appeler spécifiquement de réponse, mais je pris tout de même sur moi de la trouver. Scrutant le sol, je continuai droit devant et remarquai une couche de poussière qui ne semblait pas avoir été déplacée, à part les minuscules sillons laissés par le passage de l’air avec le temps. Une fois revenue sur mes pas, je marchai vers la droite et constatai immédiatement que quelqu’un était passé avant nous très récemment.
    — Par-là, lançai-je en pointant du doigt vers la droite.
    — Comment le sais-tu ?
    Lorsque je le lui montrai, César rougit à l’idée qu’un détail aussi flagrant ait pu lui échapper.
    Pour l’apaiser, je lui expliquai :
    — Mon père m’a appris à observer toute chose avec minutie. Je pense que c’était la nature de son travail qui l’avait rendu si attentif.
    C’était peu de le dire. Par essence, le poison se dissimule dans les recoins les plus banals, là où on songe rarement à regarder. La tâche de l’empoisonneur consiste justement à inspecter l’évident et à deviner ce qui s’y cache.
    Apaisé, César hocha la tête et nous continuâmes notre progression, mais pas pour longtemps. Quasiment tout de suite, le passage fut bloqué par ce qui semblait être au premier abord des gravats. César s’empara de l’une des torches et avança de quelques pas. À son retour, il avait une curieuse expression sur le visage.
    — Il y a assez de place pour passer.
    — C’est une bonne…, commençai-je.
    — Mais ça ne va pas être agréable.
    Sans attendre ma réponse, il se tourna vers ses hommes.
    — Souvenez-vous de qui vous êtes, et de ce que je ferai à celui qui manque à son devoir.
    Je n’eus pas le temps de me demander pourquoi il jugeait bon de faire une telle mise en garde qu’il me prenait déjà par la main et, la torche bien en l’air, s’enfonçait avec moi dans le passage.

33
    Je ne criai pas. Aujourd’hui encore, cela fait ma fierté, mais c’est parce que je ne dis pas tout : pour être franche, je fus si totalement terrifiée que lorsque j’ouvris la bouche, seul un minuscule couinement en sortit.
    Ce que j’avais pris pour des gravats bloquant presque entièrement le passage étaient en fait un immense ossuaire se déversant des deux côtés, de plusieurs pièces, dont les murs paraissaient s’être effondrés sous tant de pression. Fémurs, humérus, bassins, cages thoraciques complètes ou partielles, certaines encore attachées à une partie de la colonne, et, par-dessus tout, crânes. Il y avait là des milliers et des milliers d’os de toutes tailles, certains très bien conservés, d’autres se désagrégeant en poussière, mais tous reconnaissables sans l’ombre d’un doute comme étant humains. Apparemment, Constantin avait réellement vidé l’ancien cimetière chrétien – pour jeter là leurs misérables restes, comme autant de débris à déblayer.
    Ce tas d’ordures de la mort était si énorme qu’il s’élevait bien au-dessus de nos têtes, jusqu’au plafond. Le couloir par lequel nous devions passer faisant à peine plus de trente centimètres de largeur, nous n’eûmes d’autre choix que de nous mettre de biais pour avancer, et de supporter ensuite sans mot dire l’horreur des os craquant sous nos pieds, s’enfonçant dans la chair de nos bras, se prenant dans nos vêtements.
    Le pire, c’étaient les crânes, avec leur sourire mauvais et leurs yeux dépourvus

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