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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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tout instant. Je tentai bien d’enlever la cagoule malgré ma position délicate, mais dus me rendre à l’évidence : on l’avait serrée et nouée autour de mon cou.
    Je parcourus ainsi une distance qui, bien que courte, me parut durer une éternité. Plusieurs contusions vinrent s’ajouter à la collection que je possédais déjà quand on me fit descendre sans ménagement des escaliers ; enfin, le baril s’immobilisa dans ce que je devinai être une cave.
    Me demandant vaguement si dans Sa miséricorde Dieu avait choisi de me faire mourir avant d’avoir pu commettre un péché impardonnable, je tentai de m’armer de courage pour ce qui allait suivre, quoi que ce fût. Le couvercle du baril fut arraché et on me sortit de là sans plus de cérémonie qu’on m’y avait jetée. D’une poigne ferme, on me posa sur un tabouret. Pendant un instant, il ne se passa rien, puis j’entendis la voix d’un homme.
    — Qu’est-ce que tu veux ? lança-t-il.
    Ce que je voulais ? N’avais-je pas été amenée ici contre mon gré ? Pour quelle raison s’imaginait-il que je voulais quoi que ce soit ?
    Pourtant, il y avait bien une chose, que j’avais suffisamment envie d’obtenir pour accepter d’en payer le prix, la damnation éternelle. Ainsi que je l’ai dit, ce que je venais de vivre avait été étrangement libérateur.
    — Je veux venger mon père.
    Le son de ma voix me parut sourd, mais les mots passablement clairs. Je me demandais ce que l’homme allait en faire.
    Un instant s’écoula. La cagoule fut desserrée et retirée d’un coup sec. Je clignai des yeux dans la faible lumière qui filtrait par un soupirail près du plafond de la cave.
    — Au moins, elle est honnête, lança un autre.
    C’est ainsi que je me rendis compte qu’ils étaient plusieurs, la semi-pénombre les réduisant à de simples silhouettes. Je ne distinguais aucun visage.
    — Ou bien, elle ne nous estime pas suffisamment pour mentir, proposa le premier. (Il éclata d’un rire qui manquait singulièrement d’humour.) Est-ce que c’est ça, l’empoisonneuse ? Est-on si humbles à tes yeux que cela ne vaut pas la peine de nous mentir ?
    — Je ne saurais vous le dire, rétorquai-je. Vu que je ne sais pas qui vous êtes.
    — On est des juifs, s’exclama le second homme. N’est-ce pas tout ce que tu as besoin de savoir pour nous juger ?
    Ce n’était pas faux. Toute ma vie, j’avais entendu « Les juifs ceci… Les juifs cela… » On parlait toujours d’eux comme d’une entité unique, comme s’ils possédaient tous la même tare, étaient mêlés aux mêmes intrigues et méritaient le même sort. Était-ce de savoir que mon père avait peut-être été l’un d’eux qui me les faisait voir sous un nouveau jour, à présent ?
    — Et vous , que voulez-vous ? demandai-je en espérant dissimuler ma confusion.
    — La même chose que toi, dit le premier homme en s’avançant dans la lumière.
    Il était jeune, à peine quelques années de plus que moi, grand et large d’épaules. Ses cheveux bruns et bouclés, ses traits puissants et ses yeux noirs et vifs m’évoquaient un Espagnol. Mais c’était un juif, beau de surcroît – une notion si nouvelle pour moi que je ne pus m’empêcher de le dévisager.
    — Qui es-tu ? insistai-je.
    Il s’assit en face de moi sur un tabouret. De près, il me rappelait encore davantage une création de Botticelli, tout en regard limpide et grâce farouche. La fascination que je voue à ce peintre n’a d’égale que celle que j’éprouve pour Dante depuis qu’il a scandalisé ses pairs en illustrant la première édition imprimée de La Divina Commedia , il y a quelques années de cela. À ce propos, personne ne peut sérieusement songer que l’imprimerie mécanique viendra remplacer un jour l’art du manuscrit, bien que cela donne des nouveautés attrayantes. Mais je digresse. Cela m’arrive lorsque je suis troublée, et le beau juif m’avait mise dans cet état.
    — Je m’appelle David ben Eliezer, dit-il. Je m’excuse pour la façon dont vous avez été amenée ici, Signorina Giordano, mais nous devons être prudents.
    — Et pourtant, tu as demandé à un enfant de m’attirer dans ce guet-apens. En quoi est-ce faire preuve de prudence envers lui ?
    Ma peur s’évanouissant rapidement, je trouvai refuge dans l’humeur acerbe à laquelle, je l’admets, je suis souvent encline.
    Ben Eliezer parut décontenancé un instant mais se reprit

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