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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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était membre de Lux, la société secrète à l’existence de laquelle j’avais désespérément besoin de croire. Mais je ne pus me résoudre à franchir le pas.
    — Peut-être aspire-t-il à en devenir un. Il est venu ici pour la première fois à l’automne dernier. Il s’est montré amical, a posé beaucoup de questions ; il s’est même lié d’amitié avec Nando. Au départ, je n’arrivais pas à cerner ses intentions, mais il a fini par admettre ce qu’il était venu chercher.
    — Il devait être sur ses gardes.
    — J’imagine, répliqua Rocco. Dans tous les cas, il m’a acheté quelques objets et paraît plutôt sincère. Il m’a demandé si je pouvais le présenter à d’autres individus ayant les mêmes centres d’intérêt.
    — Et tu l’as fait ?
    Il réfléchit un instant.
    — Ton père est passé un jour où il était ici. Je les ai présentés, et ils ont discuté. Il a rencontré une ou deux autres personnes de la même manière, mais cela s’arrête là.
    Je hochai la tête pour signifier que je comprenais ce qu’il me disait. L’une des pires entraves à l’avancement de la connaissance est la nécessité d’agir en secret. Ces hommes ont peur de partager leur savoir par crainte d’être frappés d’anathème, ou bien n’y sont pas disposés par rivalité professionnelle. L’un comme l’autre rendent les avancées très difficiles. Si Lux existait bel et bien, elle aurait en grande partie pour but de surmonter cet obstacle.
    — Le père Morozzi a proposé que l’on se retrouve ici, repris-je. Mais si tu préfères, je m’en vais.
    De crainte que vous n’ayez une trop mauvaise opinion de ma personne, sachez que même alors, une partie de moi regrettait d’être obligée d’impliquer Rocco d’une quelconque manière dans cette affaire. Je ne le savais que trop bien : j’abusais de sa bonté en agissant ainsi. Mais l’autre partie, celle qui me poussait à l’action, ne voyait pas d’autre issue. Telle était ma nature, à cette époque. Je me suis amendée depuis, quoique pas autant que je l’aurais souhaité.
    Je le vis hésiter, moi-même songeant au calcul que je le forçais à faire : d’un côté, la vie qu’il avait réussi à se construire pour lui-même et son fils, gravement mise en péril s’il m’aidait ; de l’autre, les vies de milliers de gens dans la balance et, au-delà, la possibilité que les forces du mal anéantissent la sainte Église elle-même et nous privent de la lumière de Dieu à jamais.
    — Reste, dit Rocco. (Il plongea son regard dans le mien.) Fais ce que tu dois.
    Nous finîmes de manger et je l’aidai à débarrasser. Quelques minutes après, la porte de l’échoppe s’ouvrit et le prêtre entra. En lieu et place de sa soutane, il avait revêtu la modeste tunique d’un commerçant. Sage précaution, songeai-je. Je ne savais pas exactement jusqu’à quel point les autres verriers étaient au courant des activités de Rocco, mais l’apparition d’un prêtre ici aurait pu faire sourciller. D’autant que la seule apparence physique de Morozzi le faisait remarquer partout.
    — Mon père, dit Rocco d’un ton courtois. Je suis heureux de vous revoir.
    — Moi de même, mon fils, répondit Morozzi. (Son sourire paraissait chaleureux et sincère, mais laissa place à un froncement de sourcils quand il me remarqua.) Et vous êtes… ?
    — C’est moi, mon père, Francesca Giordano. Je suis venue sans escorte comme vous me l’avez demandé ; j’ai donc pris la précaution de me travestir.
    Nonobstant cette bonne raison, le prêtre n’approuvait manifestement pas mon accoutrement. Il me dévisagea, l’air choqué. Puis, brusquement, il se détourna.
    — Ce n’est pas décent, protesta-t-il.
    Rocco haussa le sourcil, mais eut la sagesse de me laisser faire.
    — Nous vivons des temps difficiles, mon père. Je suis sûre que nous comprenons tous ici la nécessité d’agir avec précaution ?
    Quand je vis que je ne provoquais rien de plus qu’un autre regard accablant, ma patience s’évanouit. J’insistai d’un ton un peu sec :
    — Je vous en prie, corrigez-moi si je me trompe, mon père, mais notre Mère la sainte Église n’autorise-t-elle pas une femme à s’habiller en homme sans pour autant que cela soit un péché, si elle agit dans le but de se protéger des importuns ?
    Je savais parfaitement que c’était le cas, l’Église ayant été obligée de le déclarer publiquement afin d’annuler

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