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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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un péché mortel, nous dit la sainte Église. Tout ce qui advient dans notre vie arrive par la volonté de Dieu, et donc l’acte suicidaire place l’homme au-dessus du divin. Voilà pourquoi cette violation de la nature en fait l’offense suprême contre Dieu.
    Bien trop distinctement, l’atroce vision du septième cercle de l’Enfer de Dante me revint en mémoire, là où les suicidés sont transformés en arbres épineux et noueux. Leur châtiment consiste à se faire arracher continuellement feuilles et branches par les harpies, ces esprits ailés de la dévastation. Leur péché est si impardonnable que parmi tous les morts qui peuplent l’Enfer, seuls eux ne seront pas ressuscités le jour du Jugement Dernier.
    Mais pourtant… Et si la décision de s’ôter la vie n’était pas purement égoïste ? Si par cet acte des milliers d’individus, voire davantage, pouvaient être sauvés ? Assurément, sur la balance divine, le poids d’une seule vie ne compterait pas en comparaison de tant d’âmes épargnées ?
    Dans le puits sans fond de ma peine, je vis une petite lumière s’allumer. Dans un souffle, je demandai à David :
    — Aurais-tu un couteau sur toi ?
    Il faisait si sombre dans la pièce que je devinais à peine sa silhouette près de moi, mais je l’entendis distinctement.
    — Tu as trouvé quelque chose ?
    — Non.
    Un seul mot, rien d’autre. C’était un homme intelligent ; il connaissait la situation aussi bien que moi. Et je lui faisais confiance pour comprendre ma décision.
    Un instant de silence, puis j’entendis sa réponse.
    — J’ai un couteau sur moi, oui.
    Ma poitrine était sur le point d’exploser. Je croisai fermement les bras pour tenter de stopper le tremblement qui me saisit tout à coup. Le poison dans le losange était loin d’être une mort agréable, mais au moins le sang n’aurait pas coulé.
    — Nous avons très peu de temps, fis-je.
    De nouveau le silence, puis David demanda :
    — As-tu jamais entendu parler de Massada ?
    Je songeai qu’il essayait de me distraire, et lui en fus reconnaissante.
    — Est-ce en Lombardie ?
    Il éclata de rire, vraiment, avant de m’éclairer.
    — C’était un fort au sommet d’une colline, en Terre Sainte. Un groupe de rebelles juifs s’en est emparé et a résisté à l’envahisseur romain pendant des années. Au moment où le général qu’on avait envoyé pour les écraser allait prendre la place, ils se sont suicidés.
    — Comment ça, tous ensemble ?
    Le suicide n’était-il pas également un péché mortel chez les juifs ? Il y avait tant de choses que je ne savais pas à leur propos.
    — Tous ensemble, répéta David. Les hommes ont tiré à la courte paille. Ceux qui ont perdu ont tué tous les autres, femmes et enfants compris. À la fin, il n’en restait plus qu’un, qui s’est ôté la vie.
    Mon cœur battait douloureusement contre mes côtes meurtries. Je n’osais imaginer ce que cela avait dû être pour ces hommes de tuer un à un les gens qu’ils aimaient. Les enfants avaient-ils eu peur, avaient-ils crié ? Ou bien leurs mères les avaient-elles bercés pour qu’ils s’endorment une dernière fois, avant de tourner leur propre gorge vers le couteau ? Et qu’en était-il du dernier ? Combien de temps était-il resté sur cette colline silencieuse, parmi les morts, avant d’en finir avec l’épouvantable cauchemar qu’était devenue sa vie ?
    Que Dieu lui accorde Son pardon, et qu’il repose dans la paix de notre Seigneur.
    — Veux-tu tirer à la courte paille ? lui demandai-je, avec, je l’admets, une vive appréhension en songeant à ce que j’aurais à faire s’il acceptait et que je perdais.
    Sans hésiter, David m’enlaça. Avec la même évidence, je lui rendis son étreinte. Nous étions deux êtres humains dans le noir, au bord de l’abîme, se donnant l’un à l’autre le peu de réconfort que l’on pouvait.
    — Non, Francesca, répondit-il dans un souffle, ça ira.
    Peut-être suis-je lâche, finalement, car un soulagement immense m’envahit. Soulagement, mais aussi gratitude envers cet homme bon qui était prêt à prendre un tel fardeau sur lui.
    Quand bien même, je ne pus m’empêcher de dire :
    — Donne-moi un instant.
    Pour quoi faire, prier ? Essayer de marchander avec Dieu ? Au contraire, me répandre en injures contre Lui ? Je n’en suis pas certaine, mais je crois bien que je tentai de faire les trois en même temps.
    Et je n’en

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