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Francesca la Trahison des Borgia

Francesca la Trahison des Borgia

Titel: Francesca la Trahison des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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Alexandre vi.

6
    — Bon Dieu ! tonna Borgia. Sa voix fit vibrer les dorures au mur et menaça de fêler les hautes fenêtres donnant sur la place. Secrétaires et clercs tremblaient comme des feuilles, et cherchaient visiblement une issue, tout en s’efforçant de rester discrets.
    — Par la Sainte Vierge et tous les saints, redis-moi pourquoi je n’ai pas tué cet homme quand j’en avais l’occasion ?
    Tout à coup, il me faisait face. Moi qui avais espéré que le gros de sa colère serait passé, maintenant, je m’étais trompée.
    — Tu aurais dû me convaincre de le faire, insista Borgia. C’est ton travail, non ?
    Sous le regard pressant de notre auditoire, à n’en pas douter soulagé de ne pas être la cible de l’ire papale, j’avançai de quelques pas. Je m’efforçai de paraître calme, en dépit du nœud qui s’était soudain formé dans mon ventre, et de la moiteur de mes mains qui n’avait rien à voir avec cette matinée étouffante. De tels accès de colère n’étaient pas fréquents chez Borgia, qui préférait les réserver aux occasions où il se sentait particulièrement provoqué. Mais lorsque cela arrivait, c’était vraiment à voir. Pour être tout à fait franche, je soupçonnais parfois ses emportements de relever davantage de l’artifice que de la véritable émotion, mais pour l’heure il n’y avait pas de doute, il était vraiment furieux.
    Au vu des nouvelles que Vittoro m’avait données, l’objet de la colère de Borgia n’avait rien de mystérieux, et j’aurais difficilement pu faire mine de mal comprendre. Je n’avais donc d’autre choix que d’endosser le rôle de l’ingénue. Lui parler avec sincérité aurait été d’une inconvenance totale, et soulevé toutes sortes de problèmes. Mais les faux-semblants étaient un art consommé entre les murs sacrés du Vatican, voire, quand on y songe, en tout lieu où se retrouvent ceux qui goûtent au pouvoir.
    — Vraiment ? Je croyais que mon travail consistait à veiller sur votre sécurité, répliquai-je d’un ton dégagé, comme si à la vérité ce n’était guère important, en tout cas certainement pas assez pour exploser de rage et tout dévaster sur son passage, à commencer par la pauvre créature que j’étais.
    Comme si cela me venait après coup, j’ajoutai :
    — Et, à l’occasion peut-être, vous débarrasser d’un fardeau. Je ne me souviens pas vous avoir entendu mentionner le nom du cardinal à cet effet.
    — Et j’ai été bien sot, marmonna Borgia sur un ton plus calme, déjà. Son admirable intelligence et l’impression d’ordre qui émanait en général de lui étaient de nouveau visibles. Il regarda autour de lui, comme s’il se rendait compte tout à coup que nous étions observés.
    — Dehors ! Dehors ! Des bons à rien, tous autant que vous êtes ! Dehors ! cria-t-il.
    Tous s’exécutèrent. Nous restâmes seuls, ainsi que Borgia l’avait prévu assurément, car maintenant tout le monde allait se demander ce qu’il pouvait bien avoir à dire à son empoisonneuse en privé. J’admets que moi-même, j’étais curieuse de le savoir.
    Sans autre cérémonie, il s’écroula sur la chaise à haut dossier qui se trouvait derrière l’immense bureau de bois incrusté de marbre, et me fit signe de prendre place sur l’un des fauteuils plus petits en face de lui. C’était un insigne honneur que d’être assis en sa présence, et il me l’accordait seulement lorsque nous étions seuls ou tout comme. Une telle intimité vous interpelle peut-être (il m’arrivait de l’être aussi, parfois), mais au fil des années passées ensemble je finis par comprendre tout au moins en partie ce qui poussait Borgia à se confier à moi, lors de ces nuits que nous passions en compagnie d’une carafe de vin, parfois. La Bella et les autres femmes qu’il eut dans sa vie prenaient une place importante, mais je ne crois pas qu’il les autorisa jamais à entrevoir les zones d’ombre de son âme. Quant à son confesseur, le malheureux prêtre à qui revenait cette tâche symbolique devait certainement remercier Dieu tous les jours que le pape n’ait jamais ressenti l’envie de mettre sa conscience à nu devant lui.
    Mais malgré l’armure d’invincibilité qu’ils se forgent, les grands de ce monde n’en restent pas moins hommes, et on sent en eux un besoin impérieux de s’épancher auprès d’au moins une personne capable, si la fin du monde devait advenir,

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