Francesca la Trahison des Borgia
et en était arrivé à la conclusion que si à bien des égards il avait de quoi faire l’admiration, il était en revanche dépourvu d’une vertu en particulier :
La patience.
Le choix qu’il avait fait de la cultiver dans les affres de la passion pourrait sembler peu orthodoxe, mais laissez-moi vous dire que cela fonctionnait – et ne fonctionnait que trop bien.
— Assez ! m’écriai-je à la fin. Pour lui signifier que je ne plaisantais pas, je plantai mes ongles dans ses larges épaules.
Il leva la tête d’entre mes cuisses et m’offrit un sourire vorace.
— Encore un tout petit peu.
Alors que j’étais au bord du précipice, retenue seulement par sa langue bien trop adroite et sa connaissance pour le moins troublante de mon corps ? Telle une marionnette dont il jouirait à sa guise ? Je ne croyais pas, non.
— Par le diable, César, je vais t’en faire autant si tu ne…
— Si je ne quoi, Francesca ?
Et aussi aisément que cela, il glissa de toute sa longueur sur moi, puis en moi. Mon halètement se transforma en gémissement, et je me cambrai. Tous les fantasmes des tourments que j’allais lui infliger furent oubliés.
— Maintenant, le pressai-je en l’étreignant farouchement.
— Tout vient à point à qui sait attendre, murmura-t-il, mais cela ne l’empêcha pas de bouger exactement comme j’avais envie qu’il le fasse, tout en douceur, en finesse, et il était diablement bon pour un homme qui par certains aspects n’était encore qu’un adolescent. Un étrange mélange de sensations explosa alors en moi : le plaisir, bien entendu, d’une intensité bouleversante, mais juste après une vague de tendresse qui me fit l’étreindre fermement et le garder tout contre moi, comme si je pouvais à moi seule le protéger de tous les dangers qui guettaient au-delà de notre petit nid douillet.
C’était idiot de penser en ces termes, assurément ; César représentait lui-même un danger pour quiconque avait la folie de croiser le fer avec lui. Pourtant, lorsque le moment de la libération fut passé, laissant mon corps tout ramolli, je le berçai tout en lissant les boucles en sueur qui recouvrait sa nuque pâle, cette zone secrète qui ne voyait presque jamais le soleil et restait par conséquent aussi douce que la peau d’un bébé.
Quelque temps après, alors qu’une aube blême commençait à pointer au-dessus des toits, je bougeai entre les bras de César. Il grommela quelque chose que je ne compris pas et se retourna, emportant les couvertures dans son sillage. Je me redressai. Mon corps me faisait l’agréable impression d’être reposé, mais s’agissant de mon esprit c’était une tout autre affaire. Je le sentais agité et en sérieux manque d’occupation.
Je fis mes ablutions intimes, donnai à manger à Minerve et me retrouvai devant la table où j’avais posé tous mes instruments, parmi lesquels divers objets en verre qui me servaient lors de mes expériences, ainsi que le sablier à l’aide duquel j’en mesurais la durée. Non loin se trouvait la bibliothèque où j’avais disposé mes livres, dont certains étaient récents mais bien davantage étaient des manuscrits écrits par mon père et qui m’étaient revenus à sa mort.
Mon cerveau bouillonnait toujours, et je me mis à réfléchir à la façon d’éliminer della Rovere. Cette mission était un casse-tête terriblement excitant pour moi, je le reconnais. Ainsi que Vittoro l’avait suggéré, l’assassin qui n’a que faire de sa survie est capable de commettre tous les crimes. Mais comme ce n’était pas mon cas (sauf s’agissant de Morozzi), il me fallait trouver un autre moyen.
Ainsi, comment franchir les diverses barrières de sécurité constituées par les gardes du cardinal et son propre empoisonneur ? Comment m’assurer qu’il mange, boive ou touche quelque chose qui s’avérerait fatal pour lui ? Et comment accomplir tout cela sans que Borgia en soit immédiatement tenu pour responsable, ce qui aurait pour effet d’annuler tous les bénéfices que la mort du cardinal pourrait lui apporter ?
Certes, d’ordinaire empoisonner sert à instiller la peur et en définitive, à se faire obéir. Par conséquent quiconque a donné l’ordre d’en finir avec quelqu’un souhaite en général au minimum qu’on le suspecte, afin d’obtenir l’effet voulu. Or, ce n’était pas le cas ici : Borgia ne pouvait se permettre de donner au roi de France une quelconque
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