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Francesca la Trahison des Borgia

Francesca la Trahison des Borgia

Titel: Francesca la Trahison des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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lentilles que toi-même tu ne dédaignerais pas utiliser.
    — Il me tarde de les essayer, en tout cas. Et maintenant, explique-moi ce que Guillaume t’a rapporté.
    Nous retournâmes ensemble dans la relative fraîcheur de son échoppe, où Rocco nous versa deux coupes d’eau glacée. De même que Sofia, il ne buvait jamais quoi que ce soit qui n’ait d’abord été bouilli et filtré. C’était une bonne chose, certes, que l’Aqua Virgo, l’aqueduc construit par les anciens Romains, ait été remis en état de marche quelque quarante années auparavant, par le pape Nicolas v. L’eau qu’il transportait jusqu’à Trevi était ensuite vendue en barils par des hommes et des garçons qui tiraient leurs bruyantes charrettes à toute heure du jour et de la nuit. Mais pour être fournis en eau la plupart des gens dépendaient encore de citernes qui étaient pleines ou vides selon les caprices du temps, ou bien de puits d’où l’on ne savait jamais si on n’allait pas plutôt remonter un seau d’argile. Sans parler des pauvres, à qui il ne restait que le Tibre, cet ignoble concentré d’immondices ; j’en avais l’estomac retourné rien qu’à l’idée d’être obligée de boire cette eau. Mais pardonnez-moi, je digresse – comme de coutume.
    — Guillaume fait état de dissensions parmi les dominicains, expliqua Rocco. Le frère qui avait disparu il y a quelque temps a été repêché dans le Tibre, on ne peut plus mort. Il avait des trous à la place des yeux et on lui avait coupé la langue. Personne ne paraît savoir ce qui s’est passé, mais il se murmure que les actions d’Il Frateschi ont créé une atmosphère tellement malsaine que tout pourrait arriver.
    — Selon eux c’est à la Fraternité que l’on doit ces horribles dessins qui fleurissent sur les murs de Rome ?
    — En effet. D’après Guillaume, même ceux qui n’aiment pas Borgia pensent que rien de bon ne sortira d’une telle vilenie.
    — Je suis heureuse de l’entendre. Peut-être arrivera-t-on à convaincre certains d’entre eux de nous aider.
    — Guillaume en espère autant, mais il doit attendre le meilleur moment pour agir. S’il se montre trop pressant, il est probable qu’ils resserrent les rangs.
    — Il fera de son mieux, j’en suis sûre.
    — Comme nous tous, mais…
    Il hésita alors, et je vis bien qu’il était en proie à une lutte intérieure.
    — Francesca, à propos d’hier…
    Et à propos de César, craignais-je qu’il ne dise ensuite. À propos du fait que le fils aîné de Borgia avait curieusement pris ombrage de notre étreinte en public.
    — Tu as été bien malavisé de te mettre ainsi en danger, le coupai-je, préférant comme toujours passer à l’offensive. Tu aurais pu te faire blesser, ou pire encore.
    — Mais comment étais-je censé savoir que ce freluquet allait arriver en se pavanant, et…
    — Oublie-le, il n’est pas important. (Du moins je ne voulais pas qu’il le soit aux yeux de Rocco.) On est tous un peu tendus en ce moment, dans l’entourage de Borgia.
    — S’il n’y a que cela…
    — Et qu’y aurait-il d’autre ? Qu’es-tu en train d’insinuer ?
    C’était une idiotie de ma part d’insister ainsi, c’est vrai, surtout lorsqu’on songeait que Rocco venait de me rappeler très récemment qu’il n’était pas homme à reculer devant un défi. Il me regarda droit dans les yeux.
    — Tu es une femme libre, Francesca, qui n’est redevable qu’à la mémoire de son père. Je respecte cela.
    — Mais… ?
    — Il n’y a pas de mais. Je n’ai aucun droit de te juger, ni de juger ce que tu fais.
    — Néanmoins, tu penses que je pourrais l’être, si tu n’avais pas la grandeur d’âme de renoncer à un tel exercice ?
    — Nous sommes tous jugés. Toi, moi, tout le monde, que nous soyons prêts à l’admettre ou pas. Dieu juge chaque instant de notre vie.
    — Comme c’est bon de Sa part. Mais peut-être ferait-Il mieux de nous aider, à la place. (Je levai la main, enjoignant ainsi Rocco à garder pour lui les commentaires que lui inspirait mon dernier blasphème en date.) Et ne viens pas me parler de liberté. Je n’en vois vraiment pas l’intérêt, si le prix à payer est de se voir constamment rappeler ses insuffisances.
    — Mais qui le fait ? Pas moi, en tout cas.
    La vérité était que je n’avais pas besoin de son aide : j’y arrivais très bien toute seule. À chaque jour qui passait, que dis-je à chaque

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