Francesca la Trahison des Borgia
pouvais m’empêcher de ruminer ce que j’avais appris concernant la figlia d’Agnelli, même si je m’évertuais à éviter d’y penser.
— Serait-ce possible…, commençai-je. C’est-à-dire, croyez-vous que…
Portia, qui était en train de frotter la dentelle entre ses doigts, me regarda de biais.
— Cela ne vous ressemble pas, de faire la timide comme ça.
— Ce n’est pas ça. Simplement, je me demandais si je pourrais vous demander un service ? Un autre service, en fait. C’est-à-dire, vous venez tout juste de m’en rendre un, et vous êtes toujours si bonne de vous occuper de Minerve, mais…
Portia laissa tomber l’étoffe tout de go et me regarda droit dans les yeux.
— Qu’est-ce qui ne va pas, Donna ? Et avant de me dire quoi que ce soit sachez que vous me faites peur, à être dans tous vos états, comme ça. Est-ce que Borgia l’a vraiment fait ? Sommes-nous au bord de la catastrophe ? Les cieux vont-ils s’ouvrir en deux et une pluie de grenouilles en tomber ?
— Non ! Rien de tout cela. C’est une broutille, vraiment. Je me demandais juste… (J’inspirai profondément et y allai d’un coup.) Savez-vous quoi que ce soit au sujet de la famille d’Agnelli ?
— Les verriers ? Ils ont perdu leur fils unique l’an dernier.
— Oui, je le sais, mais ils ont aussi une fille…
— C’est possible, répondit Portia lentement. Même si, en toute honnêteté, je n’ai pas entendu dire grand-chose d’elle.
Elle marqua un temps d’arrêt, durant lequel elle me regarda d’un air par trop perspicace. Je fis de mon mieux pour ne paraître que moyennement intéressée.
— Voulez-vous que je me renseigne à son sujet ?
— Si cela doit poser problème, n’en faites rien. Ça n’a vraiment aucune importance, après tout.
— Oh, dans ce cas…
— Mais si par hasard vous pouviez… je suis juste curieuse.
Ma voix faiblit, se sentant certainement aussi ridicule que moi.
Portia se contenta de hausser les épaules, et se remit à observer la dentelle.
— Je vais voir ce que je peux faire.
Je ne l’avais pas dupée un seul instant, je le savais. Tôt ou tard je devrais lui dire la vérité, mais pour l’heure d’autres problèmes étaient en souffrance, dont d’aucuns diraient qu’ils étaient plus pressants.
Dès le lendemain j’étais en chemin pour aller voir Lucrèce, que je m’en voulais d’avoir négligée, lorsque Vittoro m’intercepta au beau milieu de la place.
— C’est vrai, ce qu’on me raconte ? m’apostropha-t-il sans préambule. Tu as recruté des contrebandiers pour débusquer Morozzi ?
— Pour autant que je le sache, tout le monde a fait chou blanc jusqu’à maintenant. Les espions de Borgia, du moins je le suppose car tout de même il me l’aurait dit depuis le temps. Mais aussi Luigi, et même mes amis juifs.
J’avais envoyé un message à Sofia et David pour leur expliquer où Morozzi se cachait selon moi, et j’en avais informé le banquier également. Je savais bien qu’ils feraient de leur mieux dans cette affaire, mais je plaçais certainement davantage d’espoir en Alfonso.
— Si je pouvais l’obliger à se montrer…
— Tu ferais quoi, exactement, Francesca ? Tu te lancerais à sa poursuite toute seule ? Cette obsession que tu as…
Si jusqu’à maintenant je ne savais pas avec certitude par qui Vittoro avait été mis au courant, mes doutes s’envolèrent à ce moment-là. Borgia avait lui aussi fait référence à mon obsession du prêtre fou, lorsque j’avais précisé combien cette alliance avec les contrebandiers allait lui coûter.
Eu égard à ma sincère affection pour Vittoro, je lui répondis calmement.
— Parlerais-tu d’obsession si c’était ton père qu’on avait assassiné ?
Il eut l’élégance de se sentir confus.
— J’imagine que non, tu as raison. Je ne te reproche pas tant de prendre les choses à cœur que de vouloir jouer aux héroïnes, comprends-tu ?
— Mais ce n’est pas du tout mon intention. Morozzi finira bien par faire un faux pas. Quand cela arrivera il faudra peut-être agir très vite, mais sois assuré que toute aide sera bienvenue.
Ce n’était pas un mensonge, ni exactement la vérité non plus. Je ne souhaitais pas particulièrement affronter le prêtre seule, mais en aucun cas je ne prendrais le risque qu’il soit alerté par la présence d’un tiers. Et plus important, je comptais bien l’envoyer en enfer de ma
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