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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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recommande d’avoir avec monsieur l’intendant, croyez bien que même si le bien du service au roi, le repos des habitants et l’avantage de la colonie ne le demandaient pas, l’inclination naturelle que j’ai pour lui m’y engagerait. Il n’y a rien que je ne fasse pour vivre avec lui dans l’union, agissant toujours de concert et ne faisant rien que je ne lui communique et dont il demeure d’accord. Je garde la même conduite avec monseigneur l’évêque et j’apporterai toujours mes soins pour qu’il n’ait jamais à se plaindre de moi. C’est pourquoi je vous supplie d’être entièrement convaincu aussi bien du profond respect et de la parfaite reconnaissance... et bla... bla... bla... Votre très humble... et cetera ... Signé Frontenac.
    Louis se redressa et massa fortement son bras infirme, tout en portant le regard sur le canot de devant. La silhouette tassée de Jean Bochart de Champigny s’y détachait distinctement, le corps penché au-dessus de l’eau dans la contemplation de quelque chose que lui montrait du doigt un de ses archers.
    Frontenac venait encore une fois de mentir au ministre à propos de son entente avec l’intendant. Il repensa aux termes qu’il avait utilisés, à cette « inclination naturelle » qu’il prétendait avoir pour lui et se retint de rire. Le trait était trop appuyé pour faire illusion, mais il était dans son intérêt de maintenir une fiction que Champigny se faisait certainement un plaisir d’invalider dans chacune de ses lettres. Il ne le savait que trop. Et il était encore plus faux de prétendre qu’il ne faisait rien sans l’accord de l’intendant. Le matin même, il s’était encore emporté contre lui sur la question des congés de traite que Champigny prétendait contresigner et dont il voulait contrôler l’octroi.
    Comme le convoi approchait de Cap-Santé, une petite agglomération située sur la rive nord du fleuve, Louis donna l’ordre d’y aborder. Il fallait permettre aux hommes de prendre un peu de repos et se restaurer.
    Depuis Petite-Rivière, le paysage avait changé. Les berges étaient toujours aussi élevées et escarpées, mais le schiste noir avait graduellement fait place à des sédiments secs, disposés en couches successives. Un éclatant tapis de fleurs aux pastels rose et mauve courait néanmoins le long des rives d’où jaillissaient de nombreuses sources aux eaux ocre. Louis poussa ses rameurs à augmenter leur cadence. Le gouverneur jouissait de la prérogative d’être le premier à mettre pied à terre et il n’était pas question de laisser Champigny, dont le canot filait impudemment devant eux, lui damer le pion. Il donna cependant des ordres stricts pour que l’arrêt soit bref. Trois-Rivières se trouvant encore loin, ils n’y aborderaient que tard le lendemain, si tout se passait bien, en dépit du mauvais temps qui pointait. Quant à Montréal, le but ultime de cette équipée, elle n’était encore qu’à cinq jours de là, en mettant les choses au mieux.

13
Montréal, été 1690
    Toute la ville était en liesse et pavoisait.
    Au soulagement général, la panique des dernières heures se mua en joie. L’annonce d’une imposante flotte de canots sur le lac Saint-Louis avait d’abord semé l’alarme et la consternation parmi la population. Quand La Chassaigne avait tiré du canon pour alerter les Montréalistes, des cris d’épouvante avaient fusé de partout : «Les Iroquois, les Iroquois! » Les gens s’étaient passé le mot en catastrophe en se ruant aux armes, dans un assourdissant tintamarre de coups de canon et de roulements de tambour. Tous les clochers de la ville et des environs avaient pris le branle presque au même moment et à des milles à la ronde.
    Louis, sur le pied de guerre, avait réuni en hâte ses officiers et procédé au partage des tâches. Cette fois, il pouvait s’appuyer sur un plus grand nombre de combattants et sur de bons commandants de poste, encore que tout dépendît du nombre d’assaillants. Mais lorsque le sieur de Tilly vint l’informer, un peu plus tard, qu’il ne s’agissait pas d’une flotte iroquoise mais plutôt

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