Frontenac_T1
dâun convoi dâIndiens alliés en provenance de Michillimakinac, le soulagement succéda à lâagacement.
â Encore une fausse alerte. Que ne sommes-nous capables dâorganiser des vigiles plus efficaces? Ces branle-bas de combat inutiles sont vraiment trop fréquents et usent les nerfs de la population... même sâil vaut mieux pécher par prudence que par négligence. Quoi quâil en soit, lâarrivée de ces Indiens alliés est de bon augure. Perrot a réussi à convaincre les Outaouais et les Hurons. Le diable dâhomme! Nous sommes sauvés pour le moment. Que Dieu en soit loué!
Cent dix canots chargés de fourrures valant plus de cent mille écus et conduits par cinq cents Outaouais, Hurons, Cris, Nipissingues et Poutéouatamis venaient dâaccoster en grand apparat devant Montréal, portés par les salves dâartillerie, les vivats et le joyeux carillon des cloches. Cette arrivée miraculeuse était un gage dâespoir pour la Nouvelle-France. Le détachement expédié aux pays dâen haut avec Nicolas Perrot, au printemps précédent, les accompagnait en les suivant de peu, ce qui leur avait permis dâéchapper aux attaques iroquoises et dâarriver indemnes à Montréal. Quant à Perrot lui-même, il avait dû poursuivre sa mission diplomatique jusque chez les peuples du Mississippi pour défaire le travail de sape entrepris par les Outaouais et ramener ces tribus dans lâalliance française.
Louis remportait ainsi le double pari de récupérer ses alliés de lâOuest avant quâils ne basculent dans le camp ennemi et de faire descendre les pelleteries à Montréal, en pleine guerre et au nez des Iroquois. Sans compter que lâarrivée-surprise de ces tribus serait propice à un renouvellement dâalliance, à la condition de savoir répondre à leurs besoins et de manÅuvrer habilement. Ce à quoi il se promit de travailler avec la dernière énergie.
Pour lâheure, cet arrivage imprévu exigeait le plus grand doigté. Louis improvisa une mise en scène rapide. Il sâempressa dâenvoyer au-devant des arrivants une escorte composée de quelques agents chargés de réquisitionner à son profit une partie des castors les plus gras, les plus soyeux et les plus fournis, avant la meute des traiteurs. Des peaux qui valaient leur pesant dâor sur le marché européen. Ces présents faisaient partie de la diplomatie qui sâétait installée dès le début du siècle entre les Français et les Indiens. En cédant au gouverneur leurs plus belles pelleteries, les alliés se ménageaient ses bonnes grâces, le disposaient favorablement, et surtout, le rendaient redevable. Louis, de son côté, ne sâen faisait nullement scrupule et considérait cette façon de faire comme un échange de bons procédés, car lui aussi aurait à jouer de générosité. Comme il ne pouvait modifier le cours des peaux, un prix établi par la métropole et de beaucoup inférieur à celui des Anglais, il pourrait néanmoins compenser ce désavantage concurrentiel en ménageant à ses alliés divers cadeaux et faveurs dont ils étaient particulièrement friands. Sans compter quâil aurait à héberger et nourrir à ses frais et à ceux de la couronne plusieurs centaines de convives tout au long de leur séjour.
Une fois leurs lourds ballots débarqués sur la grève et leurs abris érigés le long de la palissade encerclant la ville, les représentants des différentes nations sâavancèrent sur les terrains de la commune, devant lâestrade où avaient pris place le gouverneur général et ses principaux officiers. Les délégués entamèrent alors quelques discours de circonstance. Chacun rivalisa de superlatifs pour décrire la joie qui lâenvahissait et saluer le retour du « grand Onontio », leur «Père et protecteur retiré de lâautre côté des mers » et dont ils disaient sâêtre « terriblement languis ». Ils firent ensuite don de quelques wampums , en accompagnant chaque collier des paroles appropriées. Après de longues palabres, ils offrirent à Frontenac les peaux préalablement sélectionnées, afin, dirent-ils, «dâouvrir les yeux,
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