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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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n’y pas prêter attention, mais ce dernier récit rapporté par des Montréalistes outrés dépassait les bornes. On verrait bien qui était le gouverneur et à quelle enseigne il logeait, sacredieu! Saint-Vallier aurait beau hurler à l’ingérence et le ministre lui rappeler sa promesse de vivre en bonne intelligence, il les enverrait paître. S’il laissait ces dévots compassés sévir et pourchasser le péché jusque dans l’honnête chaumière, c’en était fait de la tolérance en ce pays!
    Plus il avançait et plus sa fureur enflait. À chaque nouvelle enjambée, sa canne donnait durement contre le pavé. Il en avait déjà cassé trois dans le mois, et celle qu’il lançait en cet instant devant lui semblait promise au même sort.
    Tout virait en eau de boudin depuis quelque temps, au point que Louis commençait à en avoir assez. Cet été-là avait été pourri. Il avait essuyé une terrible désillusion lorsqu’il s’était précipité de Montréal vers Québec, fin juillet, pour accueillir les bateaux chargés de nouveaux contingents. Il s’était buté à des bâtiments ne transportant que des munitions, des ballots et des marchandises. Il n’y avait pas l’ombre de la queue de casaque d’une nouvelle recrue... Il avait failli s’étouffer de colère et de dépit. Il aurait jeté l’éponge et se serait rembarqué pour la France illico , s’il avait pu, mais s’était contenté de reprendre le chemin de Montréal, la rage au cœur.
    Rue Notre-Dame, il accéléra le pas, ses gardes du corps s’ajustant tant bien que mal à son rythme. Il ne leur avait pas versé leur solde depuis plusieurs semaines, faute de fonds, et les dettes recommençaient à s’accumuler. Heureusement que Tonty s’amènerait bientôt avec une cargaison de fourrures. Car les quatre cents Indiens alliés venus de Michillimakinac et rameutés par Tilly de Saint-Pierre n’avaient ramené aucune pelleterie. Rien que des scalps! Une centaine de chevelures prises sur l’ennemi et pour lesquelles Louis avait dû verser des primes, en plus de devoir héberger et régaler tout ce beau monde, en particulier Kondiaronk et ses guerriers, ce qui laissait ses goussets à nouveau bien dégarnis.
    Â«Â Mais comment éviter tous ces déboursés, ressassait-il, quand la colonie dépend à ce point de l’aide des alliés? »
    Leur conduite était, de plus, irréprochable. Depuis un an, ils n’avaient cessé de harceler les bourgades iroquoises pour les empêcher de chasser et avaient forcé leurs guerriers à rester chez eux pour protéger leur famille. Il y aurait eu, d’après la dernière lettre du commandant Louvigny, au moins huit cents Indiens alliés toujours en campagne autour de Michillimakinac. Un appui qui n’avait cependant pas empêché Montréal et ses environs d’être tout l’été la proie de contingents agniers qui arrachaient des vies par ci, brûlaient du bétail et des maisons par là. Bref, depuis des mois, tout semblait tourner sur des roues carrées et Louis n’en finissait plus de ravaler sa frustration. Alors ces histoires de Tartuffes ensoutanés tombaient plutôt mal...
    La haute maison des Sulpiciens, à l’immense façade s’étendant jusqu’à la rue Saint-François-Xavier, se devinait déjà au détour d’un bosquet. Elle était construite à côté de l’église paroissiale et dominait les quelques constructions aisées qui s’échelonnaient de part et d’autre de la rue Notre-Dame. Louis se dirigea de ce côté. Ce deuxième séminaire était constitué d’un corps de logis, de deux ailes latérales de trois étages flanquées d’une tour carrée, le tout jouxtant un immense jardin enchâssé bien à l’abri derrière une solide enceinte de pierre. C’était une construction imposante, plus pratique que magnifique, mais qui n’en sentait pas moins la prestance seigneuriale.
    Louis pressa le pas. Il n’aimait pas les Sulpiciens. Il avait eu de nombreux démêlés avec eux par le passé et leurs relations avaient toujours conservé un parfum de vinaigre. D’autant qu’avec

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