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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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Laissez-moi vous expliquer, vous vous méprenez... Laissez-moi vous expliquer, enfin.
    â€” Il n’y a rien à expliquer. Ce que j’ai vu ici me suffit amplement. Ôtez-vous de mon chemin! fit Louis, qui leva sa canne et la pressa contre Dollier de Casson en avançant sur lui. Ce dernier la saisit d’une main et y opposa le poids de son corps, tout en essayant de le raisonner.
    â€” Je ferme cette prison sur-le-champ et personne, ni vous ni aucun autre, ne m’en empêchera. Et lâchez cette canne ou je demande à mes gardes d’intervenir!
    Ces derniers ne savaient trop à quel saint se vouer et assistaient, impuissants, à cette joute dont l’enjeu les dépassait et où le ridicule le disputait au comique. Le gouverneur, hissé sur la pointe des pieds et tout tremblant de colère, poussait une canne inoffensive contre un géant qui l’aurait renversé d’un coup, s’il avait osé. Mais Dollier de Casson ne pouvait pas bousculer le comte de Frontenac sans risquer de s’attirer, ainsi qu’à sa communauté, de graves ennuis.
    Comprenant qu’il n’en pourrait rien tirer dans l’état de fureur avancée dans lequel il se trouvait, le supérieur des Sulpiciens lâcha prise et laissa passer le gouverneur. Louis ordonna à ses hoquetons de rester sur place, le temps qu’il leur envoie du renfort, puis il tendit la main aux dames en déclarant d’une voix cinglante :
    â€” Mesdames, quittons ce lieu infâme. Il me tarde de retrouver la civilisation.
    Et Frontenac se remit en marche dignement, la tête haute et le torse bombé, fier de sa prestation et aussi convaincu de son bon droit qu’un Christ chassant les vendeurs du Temple.
    * * *
    Des représentants des nations christianisées du Saint-Laurent se pressaient, nombreux, autour du grand feu de Kahnawake dont la flamme, haute et puissante, montait dans un ciel plombé de septembre. Il faisait un froid vif et un furieux vent d’automne disséminait les feuilles en tous sens, couchait les blés, cassait les branches ou rabattait brusquement les flammes au sol, dans de longues traînées fumeuses.
    Il y avait là des émissaires agniers, onneiouts, hurons, des représentants algonquins, nipissingues et abénaquis, réunis dans la Fédération des sept feux. Ils avaient demandé cette rencontre pour soumettre une pétition au représentant du roi. Frontenac, requis ailleurs, avait délégué l’intendant pour le remplacer. Après qu’on eut fait circuler le calumet et échangé les palabres d’usage, la cérémonie des condoléances débuta. On pleura d’abord la mort de Le Moyne de Bienville, le deuxième fils de Catherine Thierry tombé récemment au combat, après Jacques de Sainte-Hélène, ainsi que la disparition de trois chefs de guerre christianisés, hautement appréciés dans leur communauté.
    Lorsque vint le temps de présenter la requête, Oureouaré s’avança devant l’intendant, qu’encadrait une poignée d’officiers. Il agissait à titre de porte-parole de la Fédération.
    Le discours qu’il prononça était un rappel brutal d’une réalité que les Français avaient tendance à oublier, à savoir que les sauvages christianisés constituaient un rempart sans lequel ils auraient été incapables de tenir tête à l’Iroquois. Et qu’en conséquence, il était primordial de les considérer autant que les alliés des Grands Lacs et de leur attribuer leur juste part des bénéfices alloués par le roi.
    Oureouaré ne mâcha pas ses mots lorsqu’il déclara que si les Français ne leur versaient pas leur dû, les guerriers se détourneraient de l’alliance et renieraient les engagements de leurs ancêtres. Car, précisa-t-il, ils voyaient chaque jour partir sous leurs yeux de longs convois de canots chargés de provisions pour les tribus de l’Ouest, pendant qu’eux, leurs plus fidèles alliés, manquaient de tout. Il termina sa harangue en exhortant l’intendant à rétablir l’équilibre en leur faveur.
    Un discours qui suscita un tonnerre d’approbations enthousiastes. Il avait bien parlé et résumé avec force l’ensemble de leurs doléances. Champigny prit note de la menace voilée

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