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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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glacière. Il approcha néanmoins son corps du feu et persévéra jusqu’à ce qu’une douce chaleur monte enfin le long de ses jambes. Cela lui fit grand bien. S’il avait entrepris ce voyage jusqu’à Québec, c’était pour aborder une question importante avec Frontenac. «Cette fois, se dit-il, le vieux renard est surpris au terrier et ne peut plus m’échapper. » Il avait tout son temps et se préparait à un siège en règle. Il n’avait pas l’intention de lui dorer la pilule et s’était assuré de la complicité de Champigny, comme de celle de Rigaud de Vaudreuil, commandant des troupes. Une bonne majorité de militaires canadiens abondait d’ailleurs dans son sens.
    â€” La « petite guerre *  », mon cher Frontenac, a eu de nombreux mérites, dont celui de nous faire respecter de nos alliés et craindre de nos ennemis, mais je crois qu’il est temps de passer maintenant à quelque chose de plus offensif. Nous avons mené depuis trois ans de nombreuses et sanglantes guerres d’escarmouches qui ont fauché beaucoup d’adversaires mais aussi, hélas! beaucoup trop des nôtres. Ces combats, ces luttes perpétuelles, ces partis toujours en mouvement ont épuisé nos soldats, nos officiers et nos miliciens. Sans parler de nos Indiens, qui ont fourni un tel effort ces dernières années que leurs troupes se sont décimées de façon inquiétante. Il est à craindre que nous n’ayons plus les moyens de pratiquer cette stratégie, sans compter qu’il devient évident que les Iroquois nous trompent avec des négociations qui ne sont que comédies, à seules fins de gagner du temps, de se renforcer et de débaucher nos sauvages.
    Callières avait prononcé ces dernières paroles sans cesser de fixer la flamme qui montait à l’assaut d’une énorme bûche, la mordait et la léchait en s’y entortillant comme un ver. Son crépitement rassurant tranchait sur le silence qui s’ensuivit.
    Derrière lui, planté devant la fenêtre donnant sur la ville haute, Louis s’était immobilisé. Il regardait les dernières feuilles fuser dans toutes les directions sous les rudes coups de boutoir du vent. Au sol, un épais humus coloré s’épaississait à vue d’œil. À ce rythme, ses trois superbes érables argentés seraient bientôt complètement dénudés, se dit-il distraitement, le visage buté. Ce dépouillement programmé de l’automne le désenchantait. Un sentiment de solitude le saisit, mâtiné d’une espèce de lassitude à l’idée d’avoir encore à se battre pour faire accepter ce qui lui semblait pourtant relever de l’évidence.
    Callières reprit, du même ton froid et déterminé :
    â€” Le but caché des propositions de paix des Iroquois n’a jamais été que de nous empêcher d’élaborer un plan nous permettant d’envahir massivement leurs cantons, comme l’ont fait avec succès, il y a quelques années, les gouverneurs La Barre et Denonville.
    Les propositions de paix auxquelles Callières se référait n’avaient jamais cessé depuis le retour de Frontenac, malgré d’incessantes et meurtrières attaques ennemies. Les Iroquois reparaissaient dès que les arbres étaient en feuilles, se postaient le long de l’Outaouais pour couper les communications, intercepter les Français et les Indiens alliés et piller leurs cargaisons. Et pourtant, des émissaires iroquois, «ces forcenés de la négociation» comme les qualifiait Callières, apparaissaient invariablement au milieu des granges brûlées et des maisons éventrées pour présenter des ouvertures de paix.
    Bien que profondément contrarié, Louis se tenait coi. C’était la première fois que Callières ouvrait si ostensiblement son jeu, et il était bien forcé de tenir compte de l’opinion du maître d’œuvre de la politique de résistance à l’Iroquois. Car si les décisions étaient prises par le gouverneur général en conseil de guerre, c’était le gouverneur de Montréal qui les exécutait, puisque les attaques ennemies se déployaient dans une région où Callières avait carte blanche pour organiser et

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