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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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la question, figurez-vous! Je continue à penser qu’il faut continuer de ravitailler nos alliés, surtout en période de pénurie, justement pour ne pas leur laisser croire que nous sommes aux abois et manquons de tout. Même s’il devient difficile d’écouler nos fourrures en Europe. Vous savez pourtant aussi bien que moi, Callières, que l’enjeu en Amérique est de savoir qui, de nos marchands ou de ceux d’Albany, s’appropriera le monopole de la traite. La nation qui s’imposera sur le marché des fourrures établira sa mainmise politique définitive sur les sauvages. Mais ma foi, j’ai l’impression de radoter. D’ailleurs, je refuse d’en discuter plus avant!
    â€” Bon, puisque c’est ainsi. Mais nous en reparlerons, fiez-vous à moi. En attendant, mon cher, permettez que je me retire.
    Callières basculait déjà vers l’avant, tout en rassemblant assez de forces pour s’extraire de la bergère en se cramponnant au manteau de la cheminée. Il transféra sa masse sur ses jambes ankylosées et se dirigea ensuite vers la porte d’un pas court et mesuré, sans même daigner gratifier son hôte d’un regard.
    Il bouillonnait intérieurement.
    Mais il l’aurait à l’usure, le vieux buté, la tête de Gascon. Il le travaillerait au corps, il se le promettait bien. Il était d’ailleurs persuadé que les événements le pousseraient un jour jusque dans ses derniers retranchements et que cela ne saurait tarder.
    * * *
    Louis jeta un œil attentif sur le spectacle qui s’étalait à ses pieds, dans toute la luminosité de ce clair matin d’automne. De son nid d’aigle surplombant le Cap-aux-Diamants et grâce à l’orientation particulière du château, on pouvait embrasser de la fenêtre de son bureau une large partie de la basse-ville. Chaque fois qu’il posait l’œil sur la petite agglomération, il en tirait autant de fierté que s’il l’avait construite de ses propres mains. Il l’affectionnait particulièrement, même si elle était étranglée entre le fleuve et la falaise. Il y sentait battre le pouls de la population plus intensément que dans la ville haute, plus aérée, avec ses beaux monuments conventuels et ses rues convergeant vers le château Saint-Louis.
    Depuis l’incendie qui avait complètement rasé la place Royale, tout avait été rebâti en plus beau et plus solide. Les nouvelles constructions, souvent assises sur d’anciennes fondations, étaient plus élevées et désormais en pierre. Les carrés de maison s’étaient agrandis en profondeur et possédaient un second étage, et les cours logeaient des bâtiments annexes : latrine privée, boulangerie, boucherie, étable ou boutique. Les aménagements et les façades s’alignaient de façon coordonnée, selon un courant à la mode en Europe et en accord avec les règlements que Frontenac avait lui-même édictés. Mais comme les maisons étaient plus spacieuses et les lots inchangés, l’espace urbain s’en trouvait plus densément occupé qu’auparavant. Cela donnait l’impression d’une section de ville fortement peuplée, alors qu’elle ne comptait qu’une centaine d’habitations côtoyant vingt bâtiments commerciaux, des magasins, des ateliers d’artisan et quelques brasseries.
    L’essor particulier de Québec, sa prodigieuse vitalité, en dépit de l’isolement, de la guerre constante et de la menace d’un nouveau siège, ne cessaient d’ailleurs de l’étonner. Louis y reconnaissait la volonté de vivre et l’acharnement particulier de ce petit peuple français transplanté comme un bourgeon fragile en terre d’Amérique et déjà acclimaté, prospère, et vigoureusement enraciné à son nouveau terreau.
    Il était de merveilleuse humeur, ce matin-là. Les ébats de la nuit précédente lui avaient redonné le sommeil de ses vingt ans. Perrine s’était révélée si ardente et si passionnée qu’il avait craint de ne pouvoir la satisfaire et avait dû jouer sur des cordes nouvelles, ce dont elle s’était trouvée enchantée. Mais il ne rajeunissait pas... alors que sa maîtresse, plus jeune de trente

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