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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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soixante-cinq hommes à bord et des préparatifs qui traînaient en longueur, à cause de l’insouciance des fonctionnaires et armateurs de tout acabit; que les navires marchands qu’il devait escorter le ralentirent considérablement; qu’à la hauteur de l’île de Fer, sa flotte rencontra une frégate hollandaise chargée d’alcools et une flûte espagnole bourrée de sel et de sirops à qui Iberville dut donner la chasse jusqu’à ce qu’elles se rendent. Et je vous dirai surtout qu’une fois arrivé à Québec, notre patient navigateur dut attendre plus d’un mois votre retour de Montréal pour prendre vos ordres avant de partir.
    â€” À croire que vous ne faites que cela, suivre avec passion les moindres allées et venues de votre César des mers? Vous me direz tout ce que vous voudrez, monsieur de Champigny, jamais vous ne m’enlèverez de l’idée que trois échecs consécutifs, c’est beaucoup pour un seul homme. Et que cela donne à penser qu’il n’est pas très intéressé par l’expédition de la baie d’Hudson, peut-être parce qu’il y a plus de profits à tirer du côté de l’Acadie que du côté de la mer du Nord, ou qu’il répugne à s’éloigner trop longtemps de sa belle Marie-Thérèse Pollet, dont il est si follement épris qu’il en perd jusqu’au sens des responsabilités.
    La mesquinerie de l’accusation sidéra l’intendant. Il préféra ne pas relever la remarque et demeura silencieux.
    â€” Enfin, fit Louis, en adoucissant le ton, souhaitons au moins qu’il réussisse l’expédition que nous lui avons confiée en dernier recours. Je crois que si Pierre d’Iberville et Bonaventure arrivent, avec leur armada et leur petite armée, à se rendre à la baie Française pour embarquer trois cents de ces Abénaquis qui font trembler les villages de la Nouvelle-Angleterre, ils seront en état d’exécuter de vigoureux coups de main du côté de Boston et de la Nouvelle-York.
    â€” Vous avez de ces mots, monsieur le comte! Deux frégates ne font pas une armada, et les troupes d’Iberville ne forment pas non plus une armée. Ils ont à peine une soixantaine d’hommes et leur force ne repose que sur l’élément de surprise.
    â€” Mais avez-vous donc entrepris de me chicaner systématiquement, mon cher intendant? lui rétorqua Louis avec un rire bonhomme. Vous cherchez visiblement la confrontation en ergotant sur des détails, mais vous ne me ferez pas sortir de mes gonds, m’entendez-vous? Pas aujourd’hui.
    Se sentant détendu, Louis le prenait sur un ton badin. Il voguait toujours sur son bel élan de la nuit précédente et refusait de se laisser assombrir. Une attitude qui ne manqua pas de déconcerter Champigny. Quelle mouche avait donc piqué Frontenac pour qu’il se montre si désinvolte à son égard, alors qu’il sombrait d’ordinaire dans une colère noire chaque fois qu’il ouvrait la bouche? Encouragé par ces dispositions nouvelles, Jean Bochart s’enhardit à lui rappeler que le ministre avait demandé qu’ils rédigent tous deux une lettre exposant l’ensemble des arguments pour et contre la reconstruction de Fort Cataracoui. Avant de donner son accord définitif, le roi souhaitait entendre une dernière fois les raisons des deux partis.
    Louis sourcilla. Il lui semblait pourtant avoir déjà expliqué le tout de long en large et dans plusieurs placets.
    â€” Pour faciliter les choses, voyez, monsieur le comte, j’ai déjà rédigé la partie qui me concerne, en laissant assez d’espace pour que vous inscriviez vos arguments dans la marge de droite. Qu’en pensez-vous?
    Jean Bochart tendit à Louis trois pages séparées en deux par un long trait vertical et remplies, du côté contre, d’une longue liste de raisons couchées sur le papier d’une petite écriture dense et pointue. Louis y jeta un œil distrait puis, relevant la tête, fixa Champigny droit dans les yeux pendant un long moment, pour finir par lui souffler sur un ton doucereux et à deux doigts du visage.
    â€” Vous avez donc tant de motifs de rejeter ce projet, mon cher ami? À croire que vous en faites une affaire personnelle. Ou

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