Frontenac_T1
soixante degrés. Vous remarquerez aussi que le flanquement est en deçà de la portée maximale du tir de mousquet, précisa ce dernier en montrant du doigt les éléments quâil énumérait. Notez que le fossé, qui constitue un des éléments-clés dâune bonne fortification, est plus profond que large, comme il convient dans un lieu élevé et rocheux. Parce quâil ne contient pas dâeau, il faut le faire plus profond pour éviter les surprises et lâescalade. Celui-ci mesure de treize à quatorze mètres.
â Fort bien, fort bien. Et lâenceinte me paraît satisfaisante.
Louis déplaça son index le long dâune ligne irrégulière, coupée de redoutes en forme de bastion.
â La nouvelle ligne de défense englobe une partie des hauteurs du Cap-aux-Diamants et se prolonge presque en ligne droite jusquâau-dessus de la falaise surplombant la Potasse. Ce secteur est aussi entouré de palissades qui sont déjà fort avancées. Nos maçons y travaillent quasi jour et nuit. Comme vous le voyez, ce nouveau rempart est secondé par deux autres ouvrages défensifs. Le premier, la redoute du Cap, se situe sur lâescarpement des hauteurs du Cap-aux-Diamants, alors que le second se trouve, selon vos indications, à lâextrémité ouest de la rue du Mont-Carmel. La ville sera ainsi entièrement fermée par une enceinte de terre revêtue dâune palissade et entrecoupée de bastions. Vous remarquerez que je ne peux pas éviter de couper en deux la propriété des Ursulines.
â Ont-elles été averties de ce désagrément?
â Oui, et elles lâont déploré, sans toutefois sây opposer. Elles ont compris quâil était difficile de faire autrement, étant donné la topographie particulière de Québec.
â Braves filles. Mais dites-moi, quand comptez-vous terminer?
â Franchement, monseigneur, je ne pourrais vous assurer que tout sera terminé avant lâhiver. Le temps nous manque. Cela a déjà exigé jusquâici, tant en maçonneries, terrasses et ouvrages de charpenterie, pas loin de quarante-cinq journées de deux cents hommes. Et il en faudra bien davantage pour finir les travaux. Les grands froids vont bientôt tout paralyser...
Louis se rembrunit.
â Faites le plus vite possible. Prolongez la ligne de défense le plus loin quâil se peut et terminez au moins lâenceinte du fort, qui a été commencée lâannée dernière. Nous risquons dâêtre assiégés dès le mois dâavril par un important contingent dâAnglais et dâIroquois. Des rumeurs qui me viennent de partout à la fois confirment cette menace. Il faut pousser les travaux, monsieur de Beaucours. Quitte à doubler la main-dâÅuvre. Je vais dâailleurs imposer des amendes plus sévères aux corvéables qui rechignent à coopérer. Sans compter que le gouvernement nâa aucun endroit où se retirer en cas de situation extrême. Quant au corps de logis lui-même, je me contenterai de faire consolider quelques murs, en particulier ceux de la façade nord, tout en espérant quâils ne me tombent pas de nouveau sur la tête... Vous savez que jâai récemment failli y laisser la vie?
Le chevalier fit signe que oui. Toute la ville en avait parlé et tous sâen étaient inquiétés.
Louis avait vécu un véritable cauchemar, cette nuit-là , puisque câest dans sa chambre et juste au-dessus de son lit que le plafond avait fait mine de sâeffondrer. Câétait pendant un violent orage et au beau milieu dâébats amoureux dignes de passer aux annales. Perrine et lui étaient engagés si à fond dans leur besogne quâils sâétaient retrouvés soudainement engloutis sous un déluge de plâtre et dâeau glacée. Perrine avait hurlé à pleins poumons puis sâétait tue en se couvrant la bouche des deux mains, pétrifiée à lâidée que son cri ait pu ameuter la maisonnée. Dégrisés et brutalement ramenés à la réalité, les amants sâétaient séparés aussitôt.
â Retirez-vous, ma mie, avant quâon nous surprenne, lui avait-il jeté dans un souffle. Duchouquet et les autres vont bientôt se pointer.
La servante ne se lâétait pas
Weitere Kostenlose Bücher