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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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il y a treize ans, dans cette infâme prison de Pigne rolles où le roi l’avait fait jeter. Après dix-neuf ans d’incarcération! La nouvelle de son décès m’est toujours restée sur le cœur. Le malheur de cet homme, qui n’a pas toujours démérité, fut de s’être trouvé sur le chemin du roi au moment où celui-ci entreprenait sa fulgurante ascension. Il a tout simplement été broyé et sacrifié à son ambition dévorante.
    â€” En effet, ainsi peut s’expliquer la chose, fit Callières, perplexe. Mais faut-il pour autant ignorer la jalousie et le désir de vengeance bien légitimes d’un roi qui s’est vu déposséder de mille façons par les grands commis de l’État que furent Richelieu et Mazarin? Et ce Fouquet, une créature de Mazarin, n’était-il pas scandaleusement riche et puissant lors de sa chute?
    Un silence lourd de sous-entendus s’installa. Les deux hommes n’avaient manifestement pas la même affection pour Fouquet, et la poursuite de la discussion risquait de mettre fin au moment de complicité qu’ils goûtaient tous deux.
    â€” Il paraît qu’en ce moment, en France, reprit Callières en changeant de sujet, il est devenu aussi difficile de trouver des recrues que de l’argent. Sans parler de ces froids sibériens qui détruisent les biens de la terre et font tomber les paysans comme des mouches. Bref, on périt de misère au son des Te Deum et des acclamations.
    â€” Un sombre portrait qui ne laisse rien présager de bon pour nous et nous donne peu d’espoir de recevoir l’aide et les nouveaux soldats dont nous avons cruellement besoin. Cet interminable conflit européen draine toutes les ressources. Eh bien, mon cher Callières, fit Louis en lui tapant sur la cuisse, il nous faudra affronter les Anglais avec autant de génie et de fougue que les grands généraux du roi, mais sans les moyens ni les hommes. Sur ce, permettez que je me retire, je suis épuisé. Puisque les situations impossibles et désespérées vous éperonnent encore, allez-y, divertissez-vous, car vous voilà servi sur un plateau d’argent. Moi, je passe la main, en vous souhaitant une bonne et fructueuse nuit.
    Louis se leva avec une lenteur inhabituelle et se dirigea d’un pas lourd et traînant vers l’escalier menant à l’étage.

26
Québec, printemps 1693
    Ã€ l’embellie inopinée de février avaient succédé de violentes gelées et de terribles bourrasques de neige. Elles avaient sévi tout le long du mois de mars, repoussant la venue du printemps. C’était au point que les gens de Qué bec commençaient à murmurer, mi-sérieux mi-taquins, que le temps était si chamboulé qu’il avait oublié la saison chaude et s’en retournait tout bonnement vers l’automne. Jusqu’à ce qu’apparaissent enfin les premiers signes annonciateurs. Le soleil se fit plus insistant, les rivières commencèrent à bondir hors de leur lit et à inonder les basses terres, les carouges réapparurent par volées entières le long des terrains vagues et des rivages découverts. Mais la grande rivière, elle, restait figée dans son carcan de glace, insondable et immobile, attendant patiemment son heure... qui sonna pourtant par un beau matin de fin avril, sous un soleil incandescent.
    Louis eut un tel sursaut qu’il en échappa ses papiers. Un bruit sourd éclata soudain et un fracas épouvantable comme le tonnerre ou l’avalanche commença à gronder, ponctué de terribles déflagrations qui paraissaient surgir des tréfonds de la terre. Laissant tout en plan, il se précipita sur la terrasse où il fut bientôt rejoint par Monseignat et Champigny. Duchouquet apparut ensuite, la mine réjouie, Perrine et Mathurine sur les talons. D’autres domestiques se pressaient devant les fenêtres du château, curieux. Partout, dans la haute comme dans la basse-ville, les gens sortaient des maisons pour ne rien manquer du spectacle qu’on espérait depuis si longtemps.
    Devant eux et à perte de vue, le pont de glace se rompait brutalement, se morcelait en immenses glaçons et se mettait laborieusement en branle, sous les yeux ébahis des passants qui criaient de joie en se bousculant vers les hauteurs de la ville.

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