Frontenac_T1
attaquer la Martinique le 11 du mois dâavril dernier et ont été obligés dâen sortir honteusement avec une perte considérable, comme vous le verrez plus au long par le mémoire ci-joint; cette même escadre est celle que les Anglais disaient avoir destinée pour attaquer le Canada, ainsi je suis persuadé que vous nâavez rien à craindre dâelle, et dâautant plus que le grand secours que le roi vous a envoyé dâhommes et de munitions arrivera avant eux et vous mettra en état de remporter sur eux les mêmes avantages quâon a faits à la Martinique, sâils osaient vous attaquer. Jâai cru devoir vous donner cette nouvelle, étant persuadé quâelle vous fera beaucoup de plaisir et quâelle rassurera les peuples du Canada .
â Voilà donc où étaient passés ces sacrés Anglais! Câest à peine croyable!
Louis fit une longue pause pour goûter son soulagement. Ainsi le péril était détourné et le mystère de la disparition de lâennemi enfin résolu. Il se jeta sur le mémoire joint à la lettre et se mit à le parcourir fébrilement. Les détails de la défaite anglaise le firent grogner de plaisir. Ne se contenant plus de joie, il se leva dâun bond et se mit à crier son bonheur à tout venant.
â Monseignat, la menace anglaise est écartée pour cette année! Les Anglais sont allés se jeter bêtement contre la Martinique et ont été défaits par les nôtres comme des débutants. Le ministre me le marque à lâinstant. Que leur incompétence soit bénie! Monseignat, où êtes-vous, bon Dieu! Mâentendez-vous, Monseignat?
Le jeune homme finit par entrer en trombe dans le bureau de Louis, lâair effaré. Il avait mal saisi ses dernières paroles.
â Quoi donc, monseigneur?
â Quoi donc? Câest tout ce que vous trouvez à dire? Mais nous sommes sauvés, malheureux! Mâentendez-vous? Sauvés! Par la bêtise des Anglais qui sont allés se jeter contre la Martinique et ont été balayés comme fétu de paille. Pontchartrain me le marque à lâinstant. Leur flotte est démantelée, ils ont perdu des centaines dâhommes et ruiné les fonds extraordinaires quâils ont engagés dans lâexpédition. Ils se sont repliés en catastrophe et sont rentrés chez eux sans demander leur reste. Et dire que ces aigrefins, ces retors, ces escrocs, que dis-je, ces filous, ces pirates, nous ont laissé croire jusquâà la dernière minute quâils visaient le Canada! Ils ne sây reprendront pas cette année, soyez-en assuré, et nous serons tranquilles pour un bon bout de temps. Câest la meilleure nouvelle que jâai reçue depuis des lunes. Monseignat, courez avertir les autres, tous les autres. Et Champigny, nâoubliez pas Champigny. Et revenez-moi vite pour que je vous dicte une lettre à lâintention de Callières, de Ramezay et des autres gouverneurs de poste!
Son enthousiasme était débordant. Une fois cette menace écartée, il aurait les coudées franches pour poursuivre ses démarches de paix. Il jubilait et lâavenir lui sembla à nouveau prometteur. Il tira de son armoire une bouteille de Cognac et sâen servit une généreuse ration quâil se mit à siroter debout devant sa fenêtre, le regard vissé sur la basse-ville.
«Il faudra fêter lâévénement, car câen est un de taille », songea-t-il, tout à sa joie.
Puis il se rappela les lettres abandonnées sur son pupitre. Il sây remit en vitesse, retrouva le passage quâil avait délaissé dans son excitation et le relut à tête reposée. La victoire était éclatante, écrasante, infamante pour les Anglais. La leçon allait certainement porter.
«De quoi les dégoûter à tout jamais des attaques par mer! »
La missive suivante le combla dâaise.
Sa Majesté , lui écrivait le ministre, est fort satisfaite de vos services, Elle a entendu avec plaisir le compte que je Lui ai rendu de ce qui sâest passé en Canada lâannée dernière, et que nonobstant ses grands besoins pour la guerre quâElle a à soutenir contre la plus grande partie des puissances de lâEurope, Elle ne sâest particulièrement résolue à ordonner des
Weitere Kostenlose Bücher