Frontenac_T1
fonds si considérables pour les dépenses de votre gouvernement, que dans lâespérance quâElle a conçue du bon emploi que vous en ferez pour la conservation de la colonie, le dommage de ses ennemis, et lâhonneur de ses armes. Elle a aussi gratifié tous ceux que vous lui avez recommandés, et il nâa rien été omis de tout ce qui peut servir à vous mettre en état de repousser les ennemis sâils vous attaquent, et de les attaquer fortement, sâils vous en laissent la liberté.
Il buvait du petit-lait. Jamais le roi ne lui avait exprimé son contentement de façon aussi claire. Son étoile nâavait donc pas encore pâli autant quâil le craignait. Louis put encore apprécier la faveur dans laquelle on le tenait toujours lorsquâil lut, quelques paragraphes plus bas à propos de Fort Cataracoui, le roi approuve vos raisons sur ce sujet .
Louis en eut le souffle coupé. Le roi approuvait la reconstruction du fort. Câétait écrit en toutes lettres. Il avait gagné la partie.
â Champigny ne pourra que se plier à ma volonté. Jâenverrai trois cents hommes, dès que possible, et je reconstruirai Fort Cataracoui, plus grand et plus solide que jamais!
* * *
Cette saison mouvementée, pendant laquelle on apprit que les Anglais avaient subi une cuisante défaite en Martinique, fut également le théâtre de la première véritable ouverture de paix de la part des Iroquois. Une offre que Frontenac reçut avec sérieux, mais que son entourage décria de façon unanime. Il entendait encore les hauts cris et les exclamations outrées de Champigny et des autres officiers qui prétendirent que le délégué onneiout nâétait quâun imposteur. Même Callières, dans une lettre bien sentie, implora Louis de ne pas prêter foi à de pareilles offres et de renvoyer lâémissaire sur-le-champ. Refusant de se laisser impressionner par de telles mises en garde, il accepta de le recevoir, tout en sâassurant de la présence des pères Bruyas et de Lamberville. Les deux jésuites escortèrent la délégation jusquâà Québec. Bruyas avait longuement séjourné chez les Onneiouts, de Lamberville chez les Onontagués, de sorte quâils connaissaient bien les us et coutumes de ces peuples.
Un chef onneiout nommé Tareha se présenta donc à Québec vers la fin dâaoût. Un prisonnier français, quatre membres de sa tribu et une poignée dâIroquois christianisés lâaccompagnaient.
Lâhomme affichait un regard direct et un sourire engageant. Bruyas remarqua la croix dâor quâil arborait et assura Louis que câétait celle du père Millet. Tareha se présenta comme un proche parent du jésuite, que sa tribu avait adopté et fait revivre sous le nom dâun ancien chef héréditaire. Il offrit dâabord un collier pour essuyer les yeux, dégager les oreilles et éclaircir la gorge, et en présenta dâautres de la part des principales cabanes ou familles onneioutes. Il tendit ensuite à Louis une lettre du vieux missionnaire.
Le père Millet lui marquait que lâhomme qui lui remettrait la missive était fiable. Câétait son frère et son hôte, et un fervent chrétien qui portait au col sa croix dâor. Tareha avait été choisi par des anciens et des femmes du clan du Loup pour lui porter son message. Le jésuite implorait Louis de lâécouter, même sâil ne présentait quâune offre partielle, et de le rassurer sur son ouverture à lâégard de sa nation. Le jésuite lui annonçait aussi la venue prochaine dâune délégation de femmes conduites par la fameuse chrétienne convertie qui lui avait sauvé la vie. Elle souhaitait vivement rencontrer le gouverneur et visiter le Canada. Ainsi rassuré, Louis fit signe à Tareha de continuer.
â Parle, mon fils, parle sans crainte, nous tâécoutons.
Louis repoussa vers lâarrière les pans de sa redingote et sâassit. LâIroquois préféra rester debout.
â Mon Père, je te ramène ce prisonnier.
Tareha poussa devant lui Pierre Payet dit Saint-Amour, demeuré jusque-là en retrait.
Frontenac fit signe à ce dernier de sâapprocher. Lâhomme devait avoir dans la mi-trentaine et avait été
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