Frontenac_T1
jâéviterai de tomber dans pareille barbarie. Ne crains ni pour ta vie ni pour ta liberté. Je veux bien exprimer encore un reste de tendresse pour des enfants qui ne méritent plus ce nom et leur donner une seconde chance. à la condition que vos Cinq Nations mâenvoient une délégation de deux députés chacune, dirigée par le grand chef Téganissorens. Avec tous les prisonniers français retenus dans vos villages. Pour ma part, je mâengage à vous remettre aussi les vôtres, ainsi que ceux faits par mes alliés. Si les tiens veulent la paix, ils devront nécessairement inclure tous les Indiens alliés dans le traité. Mâentends-tu bien, Tareha? Je consens à patienter jusquâà la mi-octobre. Pas plus tard que la mi-octobre. Après quoi, je nâécouterai que ma juste indignation et suspendrai la chaudière de guerre, la vraie grande chaudière. Et alors je vous plains, mes enfants, je vous plains! Va maintenant, va, et prends ces colliers qui porteront mes paroles.
Louis fit également remettre à Tareha quelques présents de parures et de vêtements destinés aux chefs.
â Mon Père, sois certain que je reviendrai avec mes frères délégués, comme tu le veux, et avec Téganissorens lui-même, dâici deux lunes.
Lâémissaire iroquois parti, Louis se tourna vers les jésuites. De Lamberville et Bruyas étaient demeurés silencieux, mais nâavaient rien manqué du détail des discussions.
â Père Bruyas, que pensez-vous de tout ceci?
â Nous semblons aller vers une paix négociée. Cela peut prendre encore du temps, mais nous sommes sur la bonne voie. Les Onneiouts ne sont sûrement que lâavant-garde des autres cantons. Je les crois fondamentalement sincères dans leur désir de paix. Il y a chez eux suffisamment de chrétiens convertis et de francophiles pour que ce parti lâemporte. Dâautant que la peur dâêtre notre prochaine cible, après les Agniers, a dû les convaincre dâaccélérer les choses. Dâautres hommes parmi les plus influents des cantons pourraient aussi souhaiter pousser leur tribu vers la paix ou la neutralité.
â Ces tractations doivent être entretenues à tout prix, fit à son tour de Lamberville, ne serait-ce que pour maintenir cette épée de Damoclès au-dessus de la tête des Anglais. Sait-on quel impact cela peut avoir sur eux? En attendant, vous créez de la division chez les Cinq Cantons, ce qui est une bonne chose. Et jâai lâintime conviction quâils viendront, un jour prochain, sâasseoir à votre table. Le tout est de ne pas fléchir et de tenir toujours le même langage, tout en incluant systématiquement nos alliés dans les projets dâentente.
â Mais chaque fois que nous nous rapprochons de ces foutus Iroquois, ils font en même temps courir le bruit dans lâOuest que nous tentons de négocier une paix séparée qui exclurait nos alliés. Des rumeurs qui les mettent sens dessus dessous et nous causent bien des désagréments.
â Eux aussi tentent de nous diviser. Cela est de bonne guerre.
De Lamberville avait raison, Louis le savait pertinemment. Il savait aussi que les Anglais en faisaient autant, en accusant les Français de duplicité à lâégard des Indiens alliés et en allant leur livrer à Michillimakinac des marchandises à des prix défiant toute concurrence.
â Tant que vous continuerez à rassurer les Outaouais, les Hurons et tous les autres, nous serons saufs, reprit Bruyas. Les foires de fourrures auxquelles vous participez annuellement sont dâun grand rapport à ce chapitre. Les gages dâamitié, les présents et les bonnes paroles que vous leur prodiguez les confortent dans la légitimité de leur alliance avec nous. Vous leur fournissez un contrepoison imparable à la propagande anglaise et iroquoise.
â Croyez bien que je ne saurais y manquer cette année encore, si tant est que nos Indiens réussissent à se faufiler jusquâà nous, bien que la rivière Outaouais soit à nouveau investie sur toute sa longueur par ces diables dâOnontagués. Mais je vous remercie de ces conseils, que je mâemploierai à mettre à profit.
Fort satisfait de cette rencontre, Louis fit monter les jésuites dans une de ses
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