Frontenac_T1
enlevé quatre ans plus tôt par des Onneiouts, lors dâune incursion à Chambly. Pierre Payet paraissait néanmoins vigoureux et bien portant, ce qui indiquait quâon lâavait bien traité. Les Iroquois avaient dû lâadopter et lâintégrer à un clan. Il nâétait pas difficile cependant dâimaginer les moments cruels quâil avait dû traverser, séparé brutalement de sa famille et de son pays, à la merci de gens dont on ne savait jamais ce quâils allaient faire de vous. Payet mit un genou à terre et Louis posa une main sur son épaule, tout en saluant sa ténacité, son courage et son merveilleux instinct de survie. Les yeux de Payet sâembuèrent. Lâémotion le prit si bien à la gorge quâil eut peine à formuler des remerciements. Il se releva, puis essuya du revers de sa manche les larmes qui baignaient sa joue.
Tareha aussi paraissait touché. Louis supposa quâune amitié avait dû se développer entre eux deux, mais que des considérations politiques le forçaient à le donner en échange. Lâémissaire iroquois reprit aussitôt :
â Je propose dâéchanger cet homme pour mon neveu, prisonnier des Iroquois de Kaknawage. Jâai promis à sa mère de clan de le ramener. Mes frères sont dâaccord pour me le rendre si toi, Onontio, tu le permets.
Louis se tourna aussitôt vers les Iroquois christianisés qui accompagnaient lâOnneiout et demanda à son interprète de vérifier sâil avait leur accord. Après consultation, lâun dâeux acquiesça.
â Câest bien. Tu reprendras ton neveu en quittant le pays. Mais dis-moi plutôt quelles sont ces offres que tu es venu me faire aujourdâhui.
â Je tiens à tâaviser dâabord, mon Père, pour ta protection et celle des tiens, que huit cents à mille guerriers onontagués ont promis de revenir troubler les récoltes du côté de Montréal. Méfie-toi.
â Il nây a rien là de bien nouveau. Callières en a repoussé autant qui prétendaient perturber les semailles. Dis à tes frères onontagués que nous les attendrons de pied ferme. Et que je ne leur ferai pas de quartier tant quâils ne déposeront pas les armes. Dis-leur quâOnontio a reçu des troupes fraîches, tandis que vous autres, vous ne faites que vous décimer de jour en jour. Nous sommes plus nombreux et plus aguerris. Armés jusquâaux dents, aussi. Disle-leur.
â Mon Père, je ne suis pas dans le même esprit belliqueux que les Onontagués. Et je tâassure que les autres cantons ne sont pas si éloignés de la paix que cela peut paraître. Les sachems savent que je suis devant toi aujourdâhui et pourquoi. Les familles onneioutes qui mâont député souhaitent la paix avec ardeur depuis longtemps. Si nous avons différé à la demander plus tôt, câest uniquement par crainte de paraître devant un père justement irrité. Si je me risque aujourdâhui à me présenter devant toi, câest pour le bien de nos communautés. Jâespérais que la franchise serait ma sûreté et je ne crois pas mâêtre trompé.
Malgré les bons sentiments dont elles témoignaient, ces paroles nâimpressionnèrent pas Frontenac. Il avait entendu bien des affirmations de sincérité de la part des Iroquois, qui nâavaient jamais débouché que sur la guerre. Pour laisser de lâespérance à Tareha et aux siens, il lui répondit néanmoins :
â Ma colère contre les Iroquois est justifiée par leur perfidie à lâégard du chevalier dâO et de ses hommes. Quand ces derniers se sont présentés pour négocier en vous ramenant des prisonniers libérés des galères de France, ils ont été battus, torturés et brûlés à petit feu. Les Onontagués en ont mis deux à la chaudière et ont donné lâautre aux Anglais, mais vous autres, Onneiouts, nâavez-vous pas brûlé les dénommés Bouat et La Chauvignerie? Nâai-je pas raison dâêtre en colère, quand vous exercez journellement des cruautés inouïes sur les prisonniers français? Je serais mille fois justifié dâuser de représailles sur ta personne et de te faire mettre à mort, mais
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