Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
Vom Netzwerk:
meilleures barques et les fit escorter d’un détachement d’officiers jusqu’à Montréal.
    * * *
    Dans la quiétude de son cabinet de travail, Louis se plongea dans la lecture du dernier pli d’Anne, arrivé avec la liasse de lettres en provenance du ministre de la Marine. Outre les nouvelles habituelles, la comtesse de Frontenac lui rapportait une incroyable histoire de lettre anonyme adressée au roi, un pamphlet dévastateur qui aurait circulé sous cape à la cour parmi certains initiés. Le billet compromettant avait été remis à madame de Maintenon pour qu’elle le transmette au roi, mais avant de s’exécuter, cette dernière l’avait lu à Anne et à d’autres intimes, qui lui avaient conseillé de le garder pour elle. Étant donné le caractère impérieux du monarque, l’auteur de la satire risquait d’être foudroyé sur place, avaient-ils allégué.
    Par mesure de prudence et pour ne pas nuire à sa grande amie – épouse légitime bien que non régnante de Louis XIV –, Anne avait retranscrit tout ce qui avait trait à cette histoire en lettres codées. Un procédé qu’elle et Louis utilisaient depuis de nombreuses années pour dérober certaines informations aux regards indiscrets. Louis tira d’un coffret fermé à clé un bout de papier jauni et plié en quatre sur lequel était inscrit un code qui inversait certaines lettres, en décalait d’autres ou les remplaçait par des chiffres. Cryptographie en main, il s’employa à retranscrire méthodiquement chaque mot de l’audacieuse missive. Lorsque le texte litigieux apparut enfin dans son entièreté, il eut peine à en croire ses yeux.
    Vous êtes né, Sire , osait écrire le pamphlétaire en guise d’introduction, avec un cœur droit et équitable, mais ceux qui vous ont élevé ne vous ont donné pour science de gouverner que la défiance, la jalousie, l’éloignement de la vertu, la crainte de tout mérite éclatant, le goût des hommes souples et rampants, la hauteur et l’attention à votre seul intérêt... vos principaux ministres ont ébranlé et renversé toutes les anciennes maximes de l’État pour faire monter jusqu’au comble votre autorité... on n’a plus parlé que du roi et de son plaisir. On a poussé vos revenus et vos dépenses à l’infini, on vous a élevé jusqu’au ciel pour avoir effacé, disait-on, la grandeur de tous vos prédécesseurs ensemble, c’est-à-dire pour avoir appauvri la France entière, afin d’introduire à la cour un luxe monstrueux et incurable. Vous avez cru gouverner parce que vous avez réglé les limites entre ceux qui gouvernaient. Ils ont bien montré au public leur puissance, on ne l’a que trop sentie... et n’ont connu d’autre règle que de menacer, que d’écraser, que d’anéantir tout ce qui résistait...
    Louis était pris d’une espèce de jubilation vengeresse. La charge contre la monarchie était puissante et impitoyable. Cette seule entrée en matière était déjà plus que ce que le roi avait essuyé, comme critique, durant tout son règne. Et le téméraire continuait, de la même plume vitriolée :
    ... on fit entreprendre à Votre Majesté, en 1672, la guerre de Hollande... Je cite en particulier cette guerre parce qu’elle a été la source de toutes les autres. Elle n’a eu pour fondement qu’un motif de gloire et de vengeance... d’où il s’ensuit que toutes les frontières que vous avez étendues par cette guerre sont injustement acquises dans l’origine. Il faut donc, Sire, remonter jusqu’à cette origine de la guerre de Hollande pour examiner devant Dieu toutes vos conquêtes. Il est inutile de dire qu’elles étaient nécessaires à votre État : le bien d’autrui ne nous est jamais nécessaire.
    Louis était partiellement d’accord avec la critique concernant cette terrible guerre de Hollande, qui avait été une erreur de jeunesse du roi, mais il ne pouvait endosser les conclusions que le libelliste en tirait : c’eût été adopter intégralement le point de vue de l’ennemi et en revenir, au nom de la charité chrétienne, aux

Weitere Kostenlose Bücher