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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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amoncellement de nuages bas. À voir la texture glacée et vitreuse de la croûte neigeuse, elle supposa que le froid était mordant. Elle resserra son châle et le noua plus étroitement à sa poitrine. D’aussi loin qu’elle se souvienne, Perrine avait souffert du froid, et elle n’aurait su dire si cela était pire en France que dans ce château, ouvert comme une auberge aux quatre vents. À part la grande cuisine, réchauffée en permanence par l’imposant foyer de cuisson, toutes les pièces étaient de véritables glacières. Duchouquet s’esquintait à bourrer de bûches des âtres qui perdaient aussitôt leur chaleur par les murs, les fenêtres et les combles, transformés en passoires.
    Lorsqu’elle pénétra dans les appartements du maître, désertés au profit du bureau plus confortable du rez-de-chaussée, Perrine s’attendrit. Le désordre qui régnait trahissait le côté brouillon et fantaisiste du personnage. Des livres traînaient un peu partout, empilés en vrac sur une commode ou abandonnés sur le sol, devant un feu dont les braises rougeoyaient encore. Sur le pupitre de bois de cerisier reposait un lourd manuscrit ouvert par le milieu et où apparaissaient quelques ratures et des annotations écrites en marge, d’une main maladroite. Perrine supposa que Frontenac s’était servi de sa main gauche, ce qu’il faisait parfois quand il préférait se passer de Monseignat. Elle, qui n’avait jamais fréquenté l’école et ne savait ni lire ni signer, était fascinée par l’écriture et se perdait d’admiration devant ceux qui pratiquaient ce langage. Elle s’amusait parfois à tenter de déchiffrer ces gribouillages mais se décourageait bientôt, tant cela lui paraissait compliqué.
    Elle moucha les chandelles de la lampe posée sur la crédence puis, en soupesant la cruche à vin, elle se dit qu’il faudrait la remplir à nouveau. Le maître dormait peu et y recourait parfois, en fin de nuit, pour gagner quelques heures de sommeil. Elle ébaucha un sourire. Monsieur Louis lui assurait qu’il n’arrivait à dormir que dans ses bras, ce qu’elle refusait de croire, même si cela la flattait. Elle prit la chemise de soie laissée sur le lit et la porta à ses narines : une forte odeur de musc s’en dégageait encore. Elle adorait ce parfum.
    En remettant de l’ordre dans ce qui l’entourait, elle finit par découvrir sur le buffet un petit objet à moitié dissimulé par la lampe. Elle s’en saisit promptement pour réaliser qu’il s’agissait d’une miniature. La peinture délicate, de petite dimension, était glissée dans un médaillon finement ciselé. Le bijou tenait dans la paume d’une main et pouvait être porté en sautoir. En l’approchant de l’âtre, Perrine distingua le buste d’une femme habillée en soldat.
    Â«Qui est-elle, et quel commerce cette personne entretient-elle avec monsieur Louis? se demanda-t-elle, avec une trace de jalousie. S’agit-il d’une ancienne maîtresse, d’une sœur de Frontenac, ou de sa mère? Est-elle encore vivante ou décédée depuis belle lurette? » Elle n’avait aucun moyen de le savoir et sa curiosité s’en trouvait exacerbée. «Et si c’était son épouse, Anne de la Grange-Trianon, la belle comtesse de Frontenac? » se dit-elle encore, persuadée, cette fois, de s’approcher de la vérité.
    En poursuivant son examen, elle découvrit bientôt au bas de l’image une fine inscription gravée dans l’or. Elle la scruta avec attention, mais n’en put rien tirer. Les lettres finement ourlées gardaient jalousement leur mystère. Elle maudit encore une fois le sort qui l’avait empêchée d’apprendre à lire.
    Quelques mots gravés à l’endos du médaillon lui parurent familiers : c’était l’écriture de Frontenac. Son cœur bondit.
    â€” C’est certainement la Trianon!
    Perrine écarta toute autre hypothèse et se replongea dans la contemplation de cette parcelle d’intimité qu’elle dérobait, d’une certaine façon, à monsieur Louis.
    Elle échappa un petit rire impudent et porta la main à sa bouche. Elle se fit

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