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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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demeurés en paix si vous n’aviez pas poussé les Indiens à s’attaquer à de paisibles fermiers.
    â€” Le Massachusetts et la Nouvelle-York sont peut-être deux États distincts, mais pour nous, il s’agit du même peuple avec lequel nous sommes en guerre, monsieur. Nous subissons depuis le massacre de Lachine des attaques sanglantes dont sont responsables les vôtres. C’est sous l’instigation de vos colonies que les Iroquois ont été poussés contre nous. Et votre Massachusetts n’est-il pas en conflit perpétuel avec nos alliés abénaquis, dont il gruge pied à pied le territoire?
    Le puritain ne répliqua pas. Frontenac avait raison.
    Davis pensa aux alliances qui se développaient depuis quelque temps entre les colonies anglaises, sous l’instigation de la Nouvelle-York. Le Connecticut et le Massachusetts massaient déjà des troupes aux frontières canadiennes en vue d’une attaque, dès que possible. Et il avait pu récemment jeter les yeux sur une lettre envoyée par le gouverneur révolutionnaire de la Nouvelle-York incitant les gens de Boston à entrer dans l’entreprise en équipant des navires pour prendre Québec.
    Â«Plaise à Dieu que le comte de Frontenac continue à ignorer encore longtemps l’état de guerre civile dans lequel nos douze colonies sont plongées depuis l’accession au trône de Guillaume d’Orange », implora ardemment le puritain.
    Louis finit par avoir pitié du vieil homme. Il lui baragouina encore quelques mots d’anglais, en mettant juste assez de chaleur dans sa voix pour se faire rassurant.
    â€” Beut take courâge... and thiou vill be... vell triited .
    Ce à quoi le prisonnier répondit :
    â€” Monsieur le gouverneur, il ne s’agit pas de ma misérable personne, mais des prisonniers, surtout des femmes et des enfants, qui sont actuellement aux mains des barbares!
    Louis savait que quelques femmes étaient détenues par les Abénaquis. Les deux filles de son second avaient été épargnées et se trouvaient également captives.
    â€” Nous les sortirons de là, je vous donne ma parole de soldat, s’empressa-t-il de répondre. Je les ferai racheter et confier à des familles ou à des communautés religieuses.
    Le ton de voix du gouverneur impressionna favorablement l’Anglais. Il était en présence d’un homme d’honneur et cela sembla le rassurer.
    Davis salua bien bas tout en remerciant chaudement le comte de Frontenac, qui ordonna à un officier d’installer le prisonnier dans une des chambres les moins délabrées du château. Avant de se retirer, il l’invita fort gracieusement à dîner à sa table, le soir même.
    * * *
    â€” Vous avez manqué à l’honneur! Sachez que lorsqu’un commandant donne sa parole, il doit la respecter, dût-il en périr. C’est ce que nous avons de plus sacré. Vous avez déshonoré l’habit que vous portez et je ne sais ce qui me retient de vous mettre aux arrêts, le temps de réfléchir et de vous amender!
    Louis avait crispé les traits et froncé les sourcils, et son regard furibond allait de Portneuf à Courtemanche en s’attardant longuement et sans chaleur sur chacun d’eux. Déçus et blessés alors qu’ils s’étaient plutôt attendus à des louanges, les deux officiers baissaient les yeux comme des enfants pris en faute. Ils auraient pourtant dû savoir que le gouverneur ne plaisantait pas avec les questions d’honneur. Toute sa génération vivait encore sur la parole donnée : un prisonnier de guerre libéré ne revenait-il pas se livrer à ses geôliers lorsqu’il n’avait pu réunir le montant de sa rançon?
    Portneuf avait tenté d’expliquer à Frontenac que bien qu’il eût promis sa protection à Davis et aux autres, il n’avait pu empêcher les Abénaquis de se ruer sur eux dès qu’ils avaient été en leur pouvoir. La parole de Portneuf n’engageant que lui, ses alliés avaient agi librement de leur côté, avec pour résultat que bien des têtes avaient été inutilement cassées. Cela témoignait des coutumes des sauvages. Ils avaient leur façon de faire la guerre et il était difficile de leur en imposer une autre. Une fois leur rage

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