Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
Vom Netzwerk:
desserte à côté de laquelle il put s’installer à son aise.
    Pour le faire patienter, la cuisinière lui versa un verre de muscat, son vin préféré. Ses réserves étant épuisées, il se verrait bientôt dans l’obligation de boire de l’eau. La vieille cassa trois œufs dans un plat en prenant soin de ne pas crever les jaunes, puis les assaisonna d’un peu de sel et de poivre. Elle mit ensuite dans la poêle une noix de beurre grosse comme une cerise et la fit fondre lentement, puis elle y coula doucement les œufs.
    Louis l’observait avec attention. Une espèce d’engourdissement, produit tant par la chaleur de l’âtre que par le côté rassurant du cérémonial, le prenait peu à peu. Le rituel ancestral de préparation des repas l’avait toujours fasciné. La cuisine, ses odeurs, le bruit des ustensiles, la chaleur de l’âtre, toute la gaieté qui émanait de cet univers nourricier l’apaisait. Enfant, il courait s’y réfugier quand il était triste ou qu’on l’avait grondé, et il s’y trouvait toujours quelque servante au grand cœur qui le prenait en pitié et le gavait de tartines.
    Réalisant que les blancs étaient pris, la vieille passa la pelle à feu rougie sur les jaunes, car monsieur le comte les aimait très cuits. Cela fait, elle coula le tout dans le plat de service et ajouta un filet de vinaigre au beurre fondu, en remuant bien et en chauffant le mélange qu’elle versa ensuite sur les œufs.
    â€” Voilà, monsieur. Ça vous fera toujours un p’tit goûter en attendant le souper.
    Et Mathurine remplit à nouveau son verre et lui tailla de larges tranches de pain bis qu’elle lui servit, tartinées de tête fromagée.
    * * *
    â€” Notre grand monarque est plus prodigue en conseils qu’en hommes! s’exclama Louis en brandissant sous le nez de son secrétaire le dernier pli du roi.
    La colère déformait sa voix. Monseignat, habitué aux débordements de bile de son supérieur, opinait calmement.
    â€” Ah! il m’enjoint de faire une forte et vigoureuse défensive et il ne doute pas que je ne réduise mes ennemis de vive force à la paix. Fort bien, mais avec quels secours? Il me recommande de construire des redoutes, d’envoyer des partis de reconnaissance, des bateaux armés, de poster des gardes de soldats à l’époque des travaux agricoles, de construire des palissades autour de Québec et de Montréal? Toutes choses que j’ai déjà faites, figurez-vous, Votre Grandeur! continua-t-il en s’adressant tout haut à un interlocuteur imaginaire. On ne m’apprendra quand même pas mon métier, parbleu! Mais j’ai besoin de plus de bras pour continuer. Et où diable vais-je les trouver, croyez-vous? gueula-t-il en fixant à nouveau son secrétaire qui restait de marbre. Lors même que j’ai perdu plusieurs dizaines d’hommes par la faute de la guerre, de la maladie et de la famine? Je ne suis pas la cour des Miracles, moi. C’est la faute de tous ces conseillers de roi. Ce ne sont que des incompétents à courte vue, des gribouilleurs de papier, des stratèges de salon qui n’ont aucune compréhension de notre réalité!
    Louis frappa la table d’un poing vigoureux. Monseignat ne broncha pas et supporta placidement les radotages de son supérieur qui s’apprêtait encore, il en aurait mis sa main au feu, à rabâcher la problématique des stratégies de guerre. Pour lui, l’affaire était entendue, et il ne comprenait pas pourquoi le gouverneur s’acharnait encore à faire comprendre à des métropolitains obtus une réalité qui leur échapperait toujours.
    â€” De toute façon, ils n’y comprennent rien, enchaîna Louis sur le même ton irascible, et ils nous regardent de haut quand on leur parle de guerre à l’indienne.
    Â«Â Nous y voilà! » se dit le secrétaire en hochant la tête. Ce « ils » englobait dans l’esprit du vieux militaire tous les officiers français de l’armée métropolitaine qui condamnaient unanimement les tactiques de guerre de la Nouvelle-France, quand ils daignaient seulement s’y intéresser.
    â€” Ces beaux messieurs des académies militaires considèrent notre façon de faire

Weitere Kostenlose Bücher