Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
Vom Netzwerk:
présidait une longue flottille de canots dont les occupants hissaient le fleur de lys, scandaient des «Vive le roi » impétueux, lançaient des cris aigus ou tiraient en l’air en réponse aux démonstrations de joie des alliés. Debout à l’avant d’un canot, un malheureux prisonnier iroquois, le front haut, se mit à entonner d’une voix caverneuse son lugubre chant de mort.
    Ils mirent pied à terre sous une puissante décharge de mousqueterie. La population indienne se gonfla de dizaines de guerriers venus aux nouvelles, la mine réservée et l’air interrogateur. Mais les nouveaux arrivants gardaient nerveusement le doigt sur la gâchette, par défiance de cette multitude bigarrée à l’humeur changeante. Le récit par Perrot de leur récente victoire à la Chute des Chats, de même que l’imposant étalage de scalps iroquois fixés aux embarcations, avait cependant de quoi calmer les esprits. Assez, du moins, pour éviter un soulèvement dans l’immédiat.
    Perrot et Louvigny furent accueillis par le commandant La Durantaye, qui reçut sans broncher l’ordre émis par Frontenac de le relever de ses fonctions. Il leur fit les honneurs des lieux en les installant du mieux qu’il put dans des baraquements déjà surpeuplés. À l’extérieur, les hommes montaient leur campement, entourés d’anciens compagnons qui, tout en leur prêtant main-forte, leur glissaient sous le manteau une petite rasade d’eau-de-vie.
    Le père Carheil, l’auteur de la lettre informant Frontenac de la défection des alliés, enserra la main de Perrot dans sa forte pince de géant. Le jésuite était un colosse au torse puissant et au visage ouvert et confiant. Sa barbe noire et dense tranchait sur sa calvitie avancée, qui laissait à nu tout le front et le dessus du crâne. Le père se montra fort heureux de la célérité avec laquelle le gouverneur avait répondu à sa requête. Il mit rapidement Perrot au courant des derniers développements.
    â€” Il faut tuer dans l’œuf toute velléité d’alliance entre les peuples d’ici et les Cinq Nations. Il faut qu’ils sachent que nous ne sommes pas dupes de leurs belles promesses. Car l’esprit de nos sauvages est sens dessus dessous depuis le massacre de Lachine. Ils se sont laissé ameuter par le chef outaouais, Petite Racine, qui leur a assuré que nous étions désormais trop faibles pour les protéger contre les Iroquois, et qu’une alliance avec ces derniers leur éviterait d’être anéantis à leur tour. Il a même envoyé ses émissaires semer l’inquiétude et la peur jusque chez les tribus du Mississippi. Et vous vous doutez bien que c’est Kondiaronk qui le manipule en sous-main et l’excite contre nous. C’est encore lui, l’âme damnée de cette terrible machination.
    Nicolas Perrot eut une moue entendue. Il connaissait assez bien l’homme pour savoir de quoi il retournait. L’année précédente, il avait mis à jour une conspiration du chef huron pour massacrer les Outaouais, avec l’aide des Iroquois. Aidé de La Durantaye et des pères jésuites, il avait confondu Kondiaronk et fait avorter le complot.
    Perrot trouvait d’ailleurs les sauvages naturellement fourbes et peu fiables. À la limite, il aurait préféré qu’on les laisse vider leurs querelles entre eux et s’entretuer, plutôt que d’avoir sans cesse à intervenir. Car il voyait bien que le Miami et l’Illinois se haïssaient, que l’Iroquois en voulait à l’Outaouais et au Sauteux, que le Huron voulait éliminer l’Outaouais, qui rêvait de lui réserver le même sort. On ne pouvait s’attendre de leur part qu’à des guerres interminables et à des coups de main sanglants si on n’y remédiait pas. Dès que le Français avait le dos tourné, son allié s’empressait de pactiser avec l’Iroquois ou d’aller porter ses fourrures à l’Anglais. Dans pareil contexte, la politique de pacification de Frontenac prenait à ses yeux l’allure d’une franche utopie.
    Mais Perrot prit aussitôt les choses en mains en se dirigeant d’un pas résolu vers les villages indiens, accompagné du père Carheil. Leurs longues

Weitere Kostenlose Bücher