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Frontenac_T1

Frontenac_T1

Titel: Frontenac_T1 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Micheline Bail
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Il leur tint à peu près le même discours qu’à Kondiaronk, en accusant cette fois les Hurons. Petite Racine, leur chef, nia avec force toute participation aux prétendues tractations avec les Iroquois et jura de sa fidélité inconditionnelle à Onontio.
    Lorsque le diplomate français repassa par le village huron, il s’étonna de ne pas retrouver le captif : on l’avait détaché et son sort paraissait en suspens. Après enquête, il apparut que le Rat avait décidé de garder l’homme vivant pour se concilier la faveur des Iroquois. Les Outaouais, informés de la chose, protestèrent âprement en se disant prêts à le mettre à mort. Le nouveau commandant Louvigny fut mandé à la rescousse. Il crut calmer le jeu en suggérant tout bonnement de passer le prisonnier par les armes. Ce à quoi le père Carheil s’opposa vivement.
    â€” Usons plutôt de diplomatie. Laissez-moi seul avec Kondiaronk, lui souffla-t-il à l’oreille.
    Quand il fut certain de n’être pas entendu, le jésuite lui tint ce discours :
    â€” Grand chef, tu ne peux pas garder cet homme vivant après avoir donné ta parole de le mettre à mort. Ce serait te discréditer aux yeux des Français.
    L’argument tomba à plat devant un Kondiaronk buté. Il fixait le jésuite avec un regard frondeur.
    â€” Comment peux-tu, toi, l’homme de Dieu, demander qu’on mette ce prisonnier à la chaudière, alors que tu dis sans cesse qu’un chrétien ne doit pas faire souffrir ainsi son semblable? lui rétorqua finement le vieil Indien, en se fendant d’un sourire où pointait une touche de hauteur dédaigneuse.
    Le jésuite répondit aussitôt, d’une voix onctueuse :
    â€” Il est des circonstances exceptionnelles où il faut regarder plus loin que ce qui se trouve immédiatement devant tes yeux. Je ne peux malheureusement rien pour ce pauvre prisonnier, rien pour son corps de mortel, mais je peux sauver son âme qui, elle, est éternelle. Cet Iroquois a été capturé de haute lutte par les Français qui te font un grand honneur en te l’offrant. Refuser de le mettre à mort serait leur faire une grave injure. Leur colère pourrait être grande. Songes-y. Et si tu ne tiens pas parole, tes frères outaouais se feront une gloire de le faire mourir à ta place.
    Ce dernier argument parut ébranler le Huron. Il demeurait pourtant silencieux.
    â€” Ne t’ai-je pas toujours bien conseillé? continua le père Carheil.
    Kondiaronk se contenta de toiser le missionnaire de haut en bas. La partie semblait perdue, mais il avait d’autres tours dans son sac...
    Le misérable condamné fut ramené plus mort que vif au poteau, auquel il fut à nouveau lié, et les tortionnaires remirent tranquillement leurs fers au feu. Le malheureux s’était vu successivement perdu, puis sauvé, puis perdu à nouveau, une valse-hésitation qui dut miner sa résolution et rabattre son courage, car lorsqu’on commença à le tourmenter, il se mit à gueuler comme un putois. Puis il implora la pitié. On se prit à rire et à se moquer de lui en le traitant de « femme ». Comme il continuait sur le même registre et refusait de jouer le jeu, Kondiaronk lui asséna un formidable coup de casse-tête qui le tua aussitôt. Puis on disposa de son cadavre, qu’on dépeça et jeta aux chiens. On refusait de manger le corps d’un guerrier qui s’était déshonoré en ne sachant pas mourir dans l’honneur et la dignité.
    Ce dénouement rapide pouvait paraître rassurant, mais Perrot se méfiait. De fait, le soir même, un accord secret eut lieu. Une délégation chargée de ratifier le traité de paix s’apprêtait à partir secrètement pour Onontagué. Perrot eut vent de la manœuvre et décida de l’étouffer dans l’œuf. Il envoya aussitôt ses hommes frapper aux cabanes et convoquer les conseils indiens, à grand renfort de roulements de tambour et de coups de clairon.
    La nuit s’éclaira de brandons enflammés et une longue cohorte se forma bientôt devant la maison des jésuites. Des soldats en armes et sur un pied de guerre encadraient la scène. On sentait la colère gronder, car il n’était pas dans l’habitude des

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