Furia Azteca
puisque je partais en voyage, j'en profiterais pour faire aussi une expédition commerciale. Aussi, quand nous prîmes, tous les huit, la direction du sud en empruntant la digue de Coyoac‚n, nous ne suscit‚mes aucun commentaire et aucune curiosité. Pourtant, si quelqu'un s'était donné
le mal de nous regarder d'un peu plus près, il aurait pu s'étonner des cicatrices, des nez cassés, des oreilles boursouflées de mes porteurs. S'il avait pu inspecter les paquets allongés enveloppés dans des nattes, ostensiblement remplis de marchandises négociables, il aurait trouvé - en plus des provisions de route et des pennes de poudre d'or - des boucliers de cuir et toutes sortes d'armes, à l'exception des longues lances difficiles à dissimuler, différentes couleurs de peinture de guerre et autres insignes d'une armée en miniature.
Nous suivîmes la route de commerce du sud jusqu'à Cuauhnahuac. Ensuite, nous bifurqu‚mes brusquement vers la droite sur une route moins fréquentée qui était le plus court chemin vers la mer en direction de l'ouest. Ce parcours traversait la plus grande partie des régions méridionales du Michoac‚n et nous aurions eu des ennuis si quelqu'un avait voulu inspecter nos paquets. On nous aurait pris pour des espions mexica et nous aurions été exécutés sur-le-champ à moins qu'on ne nous ait fait mourir à petit feu. Bien que les Purépecha aient à plusieurs reprises, dans le passé, repoussé les tentatives d'invasions des Mexica, gr‚ce à la supériorité de leurs armes fabriquées dans un mystérieux métal dur et tranchant, ils étaient toujours méfiants à l'égard de tout Mexica qui pénétrait sur leur territoire avec une raison douteuse.
Je pourrais peut-être vous faire remarquer que Michoac‚n, Lieu des Pêcheurs, était le nom que nous avions donné à ce pays ; de même que les Espagnols l'appellent maintenant la Nouvelle-Galicie, je ne sais pourquoi.
Pour les gens qui y habitent, ce pays a plusieurs noms, selon les régions -
Jalisco, Cuanaxchuata
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et bien d'autres encore - et l'ensemble s'appelle le Tzintzuntzani, le Lieu des Colibris, d'après le nom de sa capitale. Sa langue est le pore, et au cours de ce voyage et de séjours ultérieurs, j'appris à parler cet idiome du mieux que je pus, ou plutôt, ces idiomes, car le pore a autant de variantes que le nahuatl. Cependant, j'ai du pore une connaissance suffisante pour m'étonner de ce que les Espagnols appellent les Purépecha les Tarasques. Il semblerait que vous ayez forgé ce nom d'après le mot pore tar‚skue, par lequel les Purépecha se désignent eux-mêmes comme étant des "
parents éloignés " et dédaigneux des nations voisines. Mais peu importe ; j'ai eu moi aussi bien des noms différents et dans ce pays, j'en récoltai un nouveau : Nuage Noir se disait ici Anikua Pakapeti.
Le Michoac‚n était et demeure un pays riche et étendu, aussi riche que l'était le territoire des Mexica. Le uandakuari, ou Orateur Vénéré, régnait, ou du moins levait un tribut, sur une région qui s'étendait depuis les vergers du Xich˚, sur le territoire oriental des Otomi, jusqu'au port de commerce de Pat‚mkuaro, sur l'océan méridional. Bien que les Purépecha fussent constamment en alerte à cause de l'éventualité d'une agression militaire de la part des Mexica, ils ne refusaient pas d'échanger leurs richesses contre les nôtres. Leurs marchands venaient sur notre marché de Tlatelolco. De rapides coursiers apportaient quotidiennement du poisson frais avec lequel la noblesse de chez nous se régalait. En retour, nos marchands pouvaient traverser le Michoac‚n sans être inquiétés, comme ce fut notre cas.
Si nous avions vraiment voulu faire des affaires en cours de route, nous aurions pu nous procurer des marchandises de valeur : perles, poteries vernissées, ustensi-bles et ornements de cuivre, d'argent, de coquillage ou d'ambre et ces laques brillantes qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Ces objets en laque, d'un noir profond rehaussé d'or et de couleurs, les artisans mettaient des mois ou même des années à les exécuter.
Les voyageurs pouvaient faire l'acquisition de tous les produits locaux, à
l'exception de ce mystérieux métal dont j'ai déjà parlé. Les étrangers n'étaient même pas
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autorisés à le voir ; les armes fabriquées dans cette matière étaient enfermées dans des magasins d'armement et elles n'étaient distribuées aux soldats que lorsqu'ils en
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