Furia Azteca
s'enfonça dans la m‚choire, la langue, le palais et jusque dans le cerveau de l'homme, qui tomba à plat sur le dos. Le sang gicla et je dus prendre appui du pied sur lui pour parvenir à retirer mon javelot. Derrière moi, s'éleva une rumeur unanime de consternation. Mes soldats avaient regroupé les autres prêtres dans la grotte pour qu'ils assistent à la mort de leur chef. Je n'eus pas à faire un seul signe à mes hommes ; avant que les prêtres aient eu le temps de se remettre de leur stupéfaction et de lutter ou de fuir, ils étaient déjà tous morts.
" J'ai promis un sacrifice à ce tas de cailloux, leur dis-je. Empilez les corps dessus. "
quand ils eurent terminé, le dieu n'était plus pourpre, du rouge luisant qui recouvrait aussi le sol de la caverne.
Je suppose que Tiat Ndik était satisfait de ce sacrifice, car aucun tremblement de terre ne se produisit pendant que nous retournions vers les canots. Rien ne vint, non plus, entraver la mise à flot de nos embarcations qui étaient maintenant beaucoup plus pesantes. Le Dieu de la Mer ne souleva aucune tempête pour nous empêcher de nous éloigner. Et jamais depuis, je n'ai remis le pied ou posé les yeux sur la montagne qui marche dans l'eau.
Malgré tout, nous continu‚mes à porter nos tenues de guerre mexica pendant que nous naviguions sur les eaux huave et zapoteca et que nous passions au large de Nozibe et d'autres villages de la côte - et devant des bateaux de pêche dont les équipages médusés nous saluaient timidement. Le soir, nous accost‚mes dans un endroit écarté ; nous y br˚l‚mes nos armures et nos insignes, nous enterr‚mes toutes nos armes, sauf les plus indispensables et nous refîmes nos paquets.
Le lendemain matin, lorsque nous repartîmes, nous avions de nouveau l'air d'un groupe de porteurs conduit par un pochtecatl. Dans la journée, nous arriv‚mes, sans nous dissimuler, dans le village marne de Pijijia, o˘ je revendis mes canots à un prix ridiculement bas, étant 568
donné que les pêcheurs de l'endroit, comme partout ailleurs sur la côte, avaient déjà ceux qu'il leur fallait. Après avoir navigué si longtemps, nous avions l'impression que le sol tanguait sous nos pas. Aussi, nous nous arrêt‚mes deux jours à Pijijia pour nous réhabituer à la terre ferme - ce qui me permit d'avoir des conversations très intéressantes avec des vieillards mame - avant de reprendre nos ballots et de nous enfoncer dans l'intérieur.
J'entends, Fray Toribio, que vous demandez pourquoi nous nous sommes donnés tant de mal à nous déguiser en marchands, puis en guerriers, puis à nouveau en marchands.
Les habitants d'Acamepulco savaient qu'un marchand avait acheté quatre canots et ceux de Pijijia étaient au courant qu'un voyageur avait revendu des canots semblables et toutes ces coÔncidences auraient pu sembler bien étranges. Mais ces deux villes étaient si distantes l'une de l'autre qu'il était fort peu probable que les gens aient l'occasion de comparer leurs impressions et, d'autre part, elles étaient toutes deux si éloignées des capitales zapotecatl et mexicatl qu'il y avait peu de chances que ces rumeurs reviennent aux oreilles de Kosi Yuela ou d'Ahuizotl. Par contre, les Zy˘ allaient inévitablement très vite découvrir l'exécution en masse de leurs prêtres et la disparition de la pourpre dans la caverne du dieu. Bien que nous ayons supprimé tous les témoins directs du pillage, il était pratiquement certain que les Zy˘ qui étaient sur la rive nous avaient vus nous approcher de la montagne sacrée, puis en repartir quelque temps après.
Leur tapage pourrait bien parvenir jusqu'au palais de Kosi Yuela et d'Ahuizotl et les mettre tous deux en fureur. Les Zy˘, eux, mettraient obligatoirement ces atrocités au compte d'une poignée de soldats mexica en tenue de combat. Kosi Yuela, pour sa part, risquerait de soupçonner Ahuizotl de lui avoir joué un tour pour s'assurer de la possession du trésor, mais Ahuizotl pourrait honnêtement prétendre qu'il ignorait tout de l'existence de ces pillards. Je comptais que la confusion serait telle qu'on ne ferait pas le rapprochement entre les
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marins-soldats et les marins-marchands et que jamais, on ne verrait aucun rapport entre eux et moi.
Pour suivre le plan que j'avais établi, il fallait que je traverse les montagnes en partant de Pijijia, pour aller dans le pays des Chiapa. Mais comme mes porteurs étaient très lourdement chargés, je ne
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