Furia Azteca
pouvais croire que je voyais véritablement à
travers les murs, car tout était très net sans que je me serve de ma topaze. Cette vision si précise ne pouvait qu'être due au jfpuri. L'instant d'après, je n'étais plus s˚r de
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rien ; il me sembla que je me mettais à flotter, que je m'élevais et passais à travers le toit. Les silhouettes devenaient de plus en plus petites à mesure que je montais vers la cime des arbres. Ayyo ! m'exclamai-
je, mais la voix du si-riame me cria :
" Pas trop vite, il faut que vous m'attendiez ! "
Je viens de vous dire qu'elle avait crié, mais en fait, je ne l'entendais pas ; ses paroles n'atteignaient pas mon ouÔe, mais ma bouche, je les dégustais, en quelque sorte. Elles étaient délicieuses et douces comme du chocolat et c'est leur saveur qui me parvenait. Tous mes sens semblaient avoir interverti leurs fonctions. J'entendais l'arôme des arbres et la fumée des feux de cuisine dérivant tout comme moi, parmi les branches. Au lieu d'avoir une odeur de végétation, le feuillage résonnait de façon métallique et la fumée faisait un bruit sourd comme lorsqu'on frappe doucement sur un tambour. Je ne voyais pas les couleurs, je les sentais ; le vert des arbres était un parfum moite et le rouge des fleurs avait une odeur épicée. Le ciel n'était pas bleu, il était empreint d'une senteur charnelle comme celle des seins d'une femme.
C'est alors que je m'aperçus que ma tête reposait effectivement entre deux seins généreux. Mon toucher n'était pas affecté par la drogue. Le si-riame m'avait rattrapé ; elle avait ouvert son corsage de jaguar, elle me serrait contre elle et nous nous élev‚mes ensemble vers les nuages. Je dois dire qu'une partie de mon individu montait plus vite que le reste. Mon tepuli s'allongeait et se raidissait palpitant de désir comme si un tremblement de terre était survenu sans que je m'en aperçoive. Le si-riame poussa un rire joyeux. Je go˚tai son rire, rafraîchissant comme des gouttes de pluie et ses mots comme des baisers.
" C'est le plus grand bienfait de la lumière divine, Sukur˚. La chaleur et l'éclat qu'elle donne à l'acte du marakame. Mélangeons nos deux feux divins. "
Elle déroula sa jupe de jaguar et s'allongea dessus, complètement nue ou du moins aussi nue que peut l'être un Tarahumara, car elle avait bien un petit triangle d'ombre en bas du ventre. Je distinguais la forme de ce 679
coussin alléchant et frisé, mais sa couleur sombre s'était transformée en odeur. Je me penchai pour la respirer ; elle était humide, chaude et musquée.
Ce ymaxtli chatouillait mon ventre nu, comme si je m'étais enfoncé dans un épais tapis de fougère, mais il devint bien vite souple et mouillé et, si je n'avais pas su qu'il existait, je n'aurais même pas remarqué sa présence. Cependant, comme je savais que je pénétrais pour la première fois dans un tipili garni d'une épaisse toison, la chose avait une saveur nouvelle pour moi. Illusion ou réalité, l'altitude me faisait tourner la tête, ainsi que cette sensation étrange de percevoir les gémissements de la femme par la bouche et non par les oreilles, et chaque nuance de sa peau comme une odeur particulière. Le jipuri mettait toutes les sensations en valeur et je crois que j'éprouvai aussi une légère-impression de danger, or le danger aiguise les sentiments et les émotions. Il est rare que les hommes s'envolent. En général, ils ont plutôt une f‚cheuse tendance à
tomber. Pourtant, je restais en suspension avec le si-riame, sans aucun support visible et nous n'étions donc gênés par rien. Nous nous déplacions librement, en état d'apesanteur, comme si nous étions dans l'eau. Cette liberté nous permettait des positions impossibles autrement. Elle haleta quelques paroles qui avaient le même go˚t que son tipili herbeux :
" Je vous crois maintenant quand vous dites que vous avez commis tant de péchés. "
Le temps me sembla passer trop vite et à nouveau, j'entendis les sons au lieu de les go˚ter quand elle me dit:
" Ne vous inquiétez pas, si vous n'arrivez jamais à courir très vite. "
Je voyais les couleurs, je ne les sentais plus ; je sentais les odeurs, je ne les entendais plus et je retombai de mon exaltation aussi légèrement qu'une plume.
Je me retrouvai dans la maison du si-riame, allongé contre elle sur nos vêtements froissés. Elle était couchée sur le dos et dormait profondément en souriant. Sa chevelure était tout
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