Furia Azteca
s'agissait d'un très gros poisson et d'un poisson volant.
- Explication rassurante qui a été répandue par 749
l'Orateur Vénéré Motecuzoma et que tout le monde a adoptée, à son plus grand soulagement.
- Et à mon plus grand embarras ", ajouta lugubrement Motecuzoma.
NezahualpiHi lui fit signe de se calmer et me dit :
" Les Maya qui ont vu cette apparition en ont fait des dessins, jeune Mixtli, et l'un d'eux vient de tomber entre mes mains. Me diras-tu encore que c'est un poisson ? "
II me tendit un petit bout de papier d'écorce tout déchiré que j'examinai avec la plus grande attention. C'était bien un croquis à la manière maya, minuscule et entortillé et ce n'était pas facile de distinguer ce qu'il représentait. Pourtant, je fus obligé de reconnaître qu'il ressemblait plus à une maison qu'à un gros poisson.
" Et le poisson volant ? me demanda Nezahualpilli.
- Non, Seigneur. Les ailes des poissons volants que j'ai vus se déployaient sur le côté. Pour autant qu'on puisse en juger, cette chose semble avoir des ailes qui se dressent vers le haut, au-dessus du toit.
- Et ces rangées de points entre les ailes et le toit, qu'est-ce que tu en fais ?
- C'est bien difficile à deviner sur un si mauvais dessin. Ce sont peut-
être des têtes d'hommes. "
Piteusement, je levai les yeux du papier et les posai tour à tour sur les deux Orateurs.
" Mes Seigneurs, je retire ma première interprétation. Ma seule excuse est d'avoir été mal renseigné. Si j'avais pu voir ce dessin avant, j'aurais reconnu que les Maya avaient eu raison de s'affoler et de nous prévenir tous. Je vous aurais dit qu'il s'agissait d'immenses canoÎs mus par des ailes et remplis d'hommes. Cependant, je n'aurais pas su dire qui ils étaient, ni d'o˘ ils venaient, sauf que des étrangers capables de construire de pareilles embarcations peuvent aussi venir nous attaquer et que ce sera une guerre bien plus terrible que toutes celles que nous avons connues jusqu'ici.
- Vous voyez ! s'écria Nezahualpilli. Au risque de déplaire à son Orateur Vénéré, Mixtli n'hésite pas à révéler la vérité qu'il voit - quand il la voit. Mes devins ont dit exactement la même chose en voyant ce dessin.
- Si on avait pu déchiffrer ces présages plus tôt, 750
murmura Motecuzoma, j'aurais eu deux années de plus pour fortifier les côtes de la péninsule d'Uluiimil Kutz.
- Et pour quoi faire ? demanda Nezahualpilli. Si ces étrangers choisissent de porter leurs coups à cet endroit, laissons les Maya en faire les frais.
Mais s'ils viennent de la mer sans bornes, comme on peut le supposer, ils auront pour aborder des rivages sans limite, à l'est, à l'ouest, au sud et au nord. Nous n'aurons pas assez de tous les guerriers de tous les pays pour défendre nos côtes et vous feriez mieux de concentrer vos troupes dans un rayon plus restreint autour de chez vous.
- Moi ? s'écria Motecuzoma. Et vous alors ?
- Ah, je serai mort, déclara Nezahualpilli en b‚illant et en s'étirant voluptueusement. Les devins me l'ont affirmé et j'en suis bien heureux. Je vais pouvoir vivre mes dernières années dans la paix. J'ai décidé de ne plus faire aucune guerre et mon fils Fleur Noire, de même, quand il me succédera. "
J'étais fort gêné. On semblait m'avoir complètement oublié. Motecuzoma regardait Nezahualpilli avec stupéfaction.
" Vous vous retirez de la Triple Alliance ? Je ne voudrais pas prononcer des mots comme trahison et l‚cheté...
- Alors, ne les prononcez pas. Il faut que nous conservions toutes nos forces en vue d'une invasion éventuelle. quand je dis "nous", je parle de nous tous. Il ne faut plus gaspiller notre énergie à nous battre entre nous. Nous devons suspendre toutes nos rancunes et nos rivalités et nous grouper pour repousser les envahisseurs. Voilà mon opinion. Je vais passer le reste de ma vie, et Fleur Noire poursuivra mon ouvre, à prêcher pour la paix entre les nations et pour l'Union contre les étrangers.
- C'est très bien pour vous et pour votre héritier si soumis, s'écria Motecuzoma sur un ton insultant. Mais nous, nous sommes des Mexica. Depuis que nous dominons le Monde Unique, personne n'a mis le pied sur une seule de nos possessions sans notre autorisation. Il en sera toujours ainsi, quitte à nous battre seuls contre tous
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si nos alliés nous abandonnent ou se retournent contre nous. "
J'étais un peu déçu de voir que Nezahualpilli ne prenait pas ombrage de ce discours
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