Furia Azteca
Motecu-zoma. Mais cette fois, tu n'iras pas à pied. Un émissaire officiel des Mexica doit voyager en grande pompe, surtout qu'il va conférer avec des dieux. Tu auras une litière confortable, une escorte de soldats et tu revêtiras ta plus belle tenue de Chevalier-Aigle. "
Motecuzoma fit alors venir un de ses messagers et lui donna des instructions. L'homme prit aussitôt le pas de course en direction de Tenochtitl‚n pour avertir les miens de mon arrivée imminente. L'Orateur avait agi dans une bonne intention, pour que ma femme et mes domestiques aient le temps de se préparer à m'accueillir, mais le résultat faillit bien être catastrophique.
Le lendemain, en début d'après-midi, j'arrivai à Tenochtitl‚n. J'avais un aspect aussi engageant qu'un mendiant lépreux et les gens faisaient un grand détour pour m'éviter ou ramenaient ostensiblement leur manteau sur eux pour éviter mon contact. Cependant, en arrivant dans mon quartier, je reconnus des voisins qui me saluèrent poliment. En arrivant devant chez moi, j'aperçus la maîtresse de maison en haut des marches de la porte d'entrée. J'ajustai ma topaze et je faillis m'évanouir au beau milieu de la rue. C'était Zyanya qui m'attendait.
Elle se détachait dans la lumière du jour, vêtue seulement d'un corsage et d'une jupe, tête nue, et dans ses cheveux flottants, je voyais une mèche blanche. Le choc me transperça de part en part. Soudain, tout se brouilla autour de moi ; les maisons et les gens se mirent à tournoyer. Ma gorge se serra tant que je ne pouvais plus respirer. Mon cour bondit de joie, puis il se mit à cogner plus fort qu'il ne l'avait jamais fait quand j'escaladais les pentes. Je chancelai et cherchai à me rattraper à un poteau d'éclairage.
" Z‚a ! " s'écria-t-elle, en me retenant. Je ne l'avais pas vue accourir à
ma rencontre. " Es-tu blessé ? Es-tu malade ?
- Tu es bien Zyanya ? " parvins-je à articuler dans 830
un souffle. La rue s'était obscurcie mais je voyais toujours luire sa mèche de cheveux.
" Mon cher... mon cher... vieux... Z‚a... " Elle me pressa sur son doux sein.
" Mais alors, c'est moi qui suis venu ! " Je riais de bonheur d'être mort.
" Tu m'as attendu pendant tout ce temps à la frontière du lointain pays...
- Mais non, tu n'es pas mort, roucoula-t-elle. Tu es seulement très fatigué. J'ai agi sans réfléchir, j'aurais d˚ te cacher cette surprise.
- quelle surprise ? " m'exclamai-je. Ma vision s'éclaircissait et je levai les yeux vers son visage. C'était celui de Zyanya et il était plus beau que celui d'aucune femme, mais ce n'était pas ma Zyanya de vingt ans. Ce visage avait le même ‚ge que moi, alors que les morts échappent au temps. Zyanya était toujours jeune, comme Cozcatl, et ma Nochipa aurait éternellement douze ans. Moi seul étais resté sur cette terre à connaître l'‚ge sombre de jamais.
Béu Ribé avait d˚ lire une terrible menace dans mon regard, car elle me l
‚cha et recula prudemment. Le choc était passé, mais je sentais tout mon corps se glacer. Je me redressai et lui dis durement :
" Cette fois tu l'as fait exprès. Tu as voulu me tromper.
- Je pensais... je croyais que ça t'aurait fait plaisir, fit-elle d'une voix tremblante, en continuant de s'éloigner de moi. - Je m'étais dit que si ta femme était comme celle que tu avais aimée... " Sa voix n'était plus qu'un murmure. " Tu sais bien, Z‚a, que la seule différence visible entre nous, c'est cette mèche.
- La seule différence ! grondai-je.
- Hier soir, après que le messager fut venu m'avertir de ton arrivée, j'ai préparé du lait de chaux et je me suis décolorée une mèche. Je pensais qu'ainsi tu voudrais bien de moi, au moins pour un moment.
- J'ai failli en mourir, grinçai-je. D'ailleurs, j'en aurais été bien content. Je te jure que c'est la dernière fois que tu me joues tes perfides tours. C'en est fini de tes manigances et de tes sorcelleries. "
J'avais pris les lanières de mon sac dans la main droite 831
et avec la gauche, je la saisis par le poignet et la fis rouler à terre.
" Z‚a, cria-t-elle, désespérée. Toi aussi tu as du blanc dans tes cheveux maintenant ! "
Des voisins s'étaient assemblés dans la rue. Ils avaient souri en voyant ma femme accourir au-devant d'un mari prodigue, mais leur sourire se figea quand je commençai à la battre. Je crois bien que je l'aurais tuée si j'en avais eu la force. Mais j'étais fatigué, comme elle me l'avait fait
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