Furia Azteca
Congregatio
835
de Propaganda Fidei pour confesser notre crédulité et pour lui demander qu'elle ne tienne pas compte de cette fausse preuve. …tant donné que les autres relations apparentes entre saint Thomas et le mythique Serpent à
plumes sont purement accidentelles, il faut s'attendre à ce que la Congregatio rejette la théorie de Votre Majesté, du moins avant d'avoir des preuves plus tangibles.
Nous souffrons d'avoir à faire une réponse aussi décourageante, mais nous soutenons que la faute n'en incombe pas à notre trop grand empressement à
vouloir prouver la perspicacité de Votre Majesté, elle est uniquement le fait de ce vieux singe d'Aztèque !
Il savait très bien que nous étions en possession de ce coffret et il était parfaitement conscient de l'excitation qu'il avait suscitée chez nous et chez tous les Chrétiens de ce pays. Ce misérable aurait pu nous dire comment cet objet s'est trouvé là o˘ on l'a découvert. Il aurait pu empêcher toute cette joie prématurée et les nombreux offices célébrés en son honneur, ainsi que le respect dans lequel nous tenions cette relique apparemment divine. Et par-dessus tout, il aurait pu nous épargner de nous ridiculiser en faisant connaître l'affaire jusqu'à Rome.
Mais non, ce gredin a été témoin de notre félicité en dissimulant une méchante gaieté et il n'a pas dit un mot pour ouvrir nos yeux abusés. Ce n'est que lorsqu'il était trop tard que, dans le cours de son récit et avec un air détaché, il a dévoilé la véritable origine de ces hosties et la façon dont elles avaient été cachées à Tula. Nous nous sentons personnellement humiliés, sachant que nos supérieurs de Rome vont se gausser de cette mystification. Mais nous sommes encore plus contrits parce que dans notre empressement à informer la Congregatio, nous avons paru attribuer la même crédulité à Notre Très Respecté Empereur, bien que nous ayons fait tout cela dans le seul but de laisser à Votre Majesté tout le crédit d'une découverte qui aurait réjoui les Chrétiens du monde entier.
Nous savons que vous voudrez bien rejeter tout le bl‚me de notre confusion sur le vrai coupable, cet Indien fourbe et perfide dont le silence est parfois aussi offensant que les paroles. (Dans ces dernières pages, Sire, 836
vous verrez qu'il utilise la noble langue castillane comme prétexte pour prononcer des mots qui jamais encore n'étaient tombés dans l'oreille d'un évêque.) Notre Souverain reconnaîtra peut-être enfin que quand cette créature se moque effrontément du vicaire de Votre Majesté, elle se moque du même coup de Votre Majesté elle-même et de façon tout à fait consciente.
Peut-être, Sire, trouverez-vous qu'il est grand temps de renvoyer ce vieux barbare dépravé dont nous souffrons la présence importune et les grossières révélations depuis plus d'un an et demi.
Nous supplions Votre Majesté d'excuser la brièveté, l'amertume et la brusquerie de cette missive. Notre contrariété est trop forte pour le moment pour que nous puissions écrire plus longuement et sur le ton de la dignité compatible avec notre Saint Office.
que la bonté et la vertu qui émanent de Votre Radieuse Majesté continuent à
éclairer le monde, tel est le vou du dévoué (et confus) chapelain de Votre Majesté,
(ecce signum) Zumarraga
UNDECIMA PARS
Ayyo ! Après une aussi longue absence, voici Votre Excellence revenue parmi nous. Je crois en deviner la raison. C'est parce que je vais parler de ces dieux nouveaux venus et les dieux intéressent toujours un homme d'église.
Votre présence nous honore, Seigneur …vêque, aussi, pour ne pas abuser de votre temps précieux, je vais me h‚ter d'en venir à cette confrontation. Je ferai seulement une petite digression pour vous parler d'une rencontre que je fis en chemin avec un être de moindre importance, car elle se révéla par la suite particulièrement significative.
Je quittai Tenochtitl‚n un jour seulement après y être arrivé et j'effectuai ce départ en grand style. L'inquiétante étoile fumante ne se voyant pas dans la journée, les rues grouillaient de monde et un public nombreux assista à la parade. Je portais mon casque au bec féroce et mon armure emplumée de Chevalier-Aigle et je tenais contre moi mon bouclier avec les symboles de mon nom. Cependant, dès que j'eus franchi la chaussée, je confiai tout cela à l'esclave chargé de porter mon étendard et mes autres insignes.
Weitere Kostenlose Bücher