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Galaad et le Roi Pêcheur

Galaad et le Roi Pêcheur

Titel: Galaad et le Roi Pêcheur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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toutes les convoitises. » Enfin, dévisageant Bohort, il lui souhaita, comme à ses deux compagnons, la force et le courage d’accomplir jusqu’à son terme la quête dont nul pays au monde ne vit jamais l’équivalent. Les trois compagnons embrassèrent tendrement le Roi Pêcheur après l’avoir reconduit à terre et le recommandèrent à Dieu. Sur ce, s’étant signés, ils remontèrent à bord. Dès qu’ils y furent, le vent qui, jusque-là, s’était tu, frappa si violemment les voiles que la nef instantanément quitta le rivage et, traversant rapidement l’estuaire, gagna la haute mer à une allure de plus en plus vive.
    Sur la rive, dans les rayons du soleil qui surgissait derrière les collines, Pellès, le Roi Pêcheur qui avait été, malgré sa terrible blessure, le fidèle gardien du saint Graal, avait les larmes aux yeux. Il regarda s’éloigner la nef où se trouvaient ceux qui désormais mèneraient à leur terme les aventures du Graal, ces trois compagnons au nombre desquels se trouvaient son petit-fils et son neveu. Puis, quand la nef eut disparu dans la brume du matin, le Roi Pêcheur retourna vers la forteresse de Corbénic {68} .

12
 
Le Royaume perdu
    Galaad, Perceval et Bohort errèrent longtemps sur les flots sans savoir où Dieu entendait les mener. Ils se souvenaient certes des paroles de l’homme nu qui les avait nourris de l’hostie : la révélation des grands mystères du saint Graal, ils l’auraient dans le Palais Spirituel, au cœur de la cité de Sarras ; mais cette cité de Sarras, ils en ignoraient tout, hormis que Joseph y avait été le premier évêque consacré du royaume de Bretagne. Et les trois compagnons allaient ainsi, longeant des côtes rocheuses d’aspect inhospitalier, se retrouvant soudain en haute mer, sans autre spectacle que celui des vagues et des nuages qui parfois s’amoncelaient au ciel. Ils ne souffraient ni de la faim, ni de la soif, car le saint Graal les nourrissait de sa présence, et passaient leur temps à prier et à contempler la splendeur du soleil, le matin, quand il se levait, le soir, quand il se couchait, et à rendre grâces à Dieu de la beauté de la création.
    Le matin du quatrième jour, ils s’aperçurent que la nef avait abordé dans une crique au-dessus de laquelle se dressait une très ancienne forteresse. Tous trois se demandèrent s’ils ne devaient pas descendre de leur bateau, car celui-ci semblait aussi immobile que si la volonté de Dieu l’eût destiné à conduire ses passagers en cet endroit précis. « Attendons un signe », dit Galaad. Ils commençaient à se désespérer quand ils virent un chevalier tout armé longer le rivage. Ils le hélèrent et lui demandèrent en quel pays ils se trouvaient.
    « Seigneurs ! s’écria le chevalier, repartez au plus vite ! Gardez-vous de descendre à terre, car vous n’y gagneriez que misères et douleurs. Les gens de ce pays ne sont pas chrétiens, seigneurs, et moi, seule une trêve me permet de passer par ici. La reine de ce pays est la sœur du roi d’Oriande que Lancelot du Lac a tué en combat et dont il a pris les terres païennes. À présent, le monde entier rend hommage à Jésus-Christ, mais cela affecte profondément la reine qui hait tous les adeptes de la nouvelle religion. Voilà longtemps déjà, elle a prié ses dieux de la priver de la vue jusqu’à ce que ce culte ait été réduit à néant. Et elle est devenue aveugle. Elle fait répandre en tous lieux que ses dieux l’ont exaucée, mais je puis vous affirmer, seigneurs, que c’est Notre Seigneur qui l’a punie de ses mauvaises intentions. Et si je vous raconte cela, c’est dans l’espoir que vous évitiez des lieux où vous arriverait malheur.
    — Chevalier, repartit Galaad, nous te savons gré de tes avertissements, mais il n’est pas de plus bel exploit que celui qu’on accomplit pour exalter la gloire de Dieu. Or nous nous sommes consacrés à cette tâche, sache-le, et n’y faillirons point. Notre Seigneur lui-même s’est imposé peines et souffrances lorsqu’il accepta d’être mis en croix : chacun de nous doit en faire autant. – Seigneurs, reprit le chevalier, je vous crois volontiers, mais je doute que vous puissiez triompher des démons qui règnent sur ce pays. – C’est notre affaire », conclut Galaad. Le chevalier reprit sa course le long du rivage après les avoir recommandés à la sauvegarde divine.
    Les trois compagnons revêtirent leurs armes et,

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