Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
retrouvait une sorte de solution saline, et dans lâautre, une petite pastille. Il suffisait de verser la partie liquide sur la pastille et celle-ci se diluait. On obtenait alors le produit quâil fallait sâinjecter.
Je lui ai donné 1 000 $ pour payer la marchandise et je suis reparti chez moi.
Jâétais à la fois effrayé et honteux. Totalement.
Je savais à quel point lâutilisation de produits semblables était un sujet tabou dans le monde du baseball, alors je voulais que personne ne sache que jâen avais. Absolument personne. Même pas ma femme.
Cette crainte et cette honte étaient tellement puissantes que je ne me sentais même pas la force de demander des explications supplémentaires à celui qui mâavait remis ce paquet.
Quelle quantité fallait-il sâinjecter? à quelle fréquence? Pendant combien de temps? Et quây avait-il au juste dans ces pastilles? Dâoù provenaient-elles? Je nâen avais aucune espèce dâidée.
Mais il nâétait pas question dâaller en rediscuter avec qui que ce soit. Jâétais désormais pris avec ce sac et le secret quâil contenait. Et câétait à moi de me débrouiller, de voir à lâusage comment cela pouvait fonctionner.
Tel un apprenti sorcier, jâai fini par passer à lâacte cette journée-là . De retour à la maison, je me suis réfugié dans la salle de bain. Je me suis installé et jâai déversé la solution saline dans le contenant qui renfermait lâune des petites pastilles quâon mâavait remises.
Quelques secondes plus tard, jâavais une seringue entre les doigts. Une seringue dont je ne savais même pas me servir. Ce moment précis est à jamais figé dans ma mémoire. Ainsi que la dernière pensée qui mâa traversé lâesprit avant dâenfoncer lâaiguille:
«Tabarnac, es-tu sérieux? Es-tu sérieux de faire ça? Depuis que tâas trois ans, tu joues au baseball pour avoir du fun . Et là , tâes rendu que tu te piques pour essayer de tâaméliorer!»
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1 . Darren Dreifort faisait encore partie de lâorganisation mais il avait été inscrit sur la liste des blessés durant toute la saison 2002.
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chapitre 1
Welcome to the Jungle
Quelques semaines plus tard, dès mon arrivée à Vero Beach pour le camp dâentraînement, jâai suivi le plan que jâavais élaboré en sollicitant une rencontre avec Jim Tracy.
Cette cruciale visite au bureau du gérant de lâéquipe allait probablement décider de mon avenir au sein de lâorganisation des Dodgers. Et peut-être même de mon avenir dans le baseball majeur. Mon discours était prêt. Jâavais ressassé mes arguments durant des mois. Je savais donc exactement ce que je voulais dire à Tracy pour le convaincre de mâaccorder une chance à titre de releveur.
Quand jâai ouvert la porte de son bureau, jâai vu que Dave Wallace sây trouvait et je me suis tout de suite senti en confiance. De tous les entraîneurs des Dodgers, personne nâétait mieux placé que Wallace pour savoir à quel point jâétais plus efficace lorsquâon me confiait des missions en courte relève.
Je suis donc entré dans la pièce, et comme câest moi qui avais pris rendez-vous avec lui, le gérant mâa demandé de quoi il en retournait.
â Trace, jâaimerais bien tenter ma chance en tant que releveur. Je préfère de loin lorsquâon mâutilise plus souvent. Mon bras est fort et je suis capable de lancer après de courtes périodes de repos. Et puis, je lance la balle nettement plus fort lorsquâon mâutilise en courte relève. Dave est ici et il pourra te le confirmer. Nous avons tenté lâexpérience plusieurs fois la saison passée.
Tracy a écouté mon boniment jusquâà la fin. Je mâen rappelle,parce quâil parlait habituellement beaucoup. Tracy était une sorte de verbomoteur. Mais cette fois, il ne parlait pas. Il écoutait attentivement mon plaidoyer.
Jâaimais beaucoup Jim Tracy. Quand il discutait avec quelquâun, il regardait toujours son interlocuteur droit dans les yeux et il donnait lâheure juste. Câétait une qualité que jâappréciais beaucoup chez lui.
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