Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
ce geste hautement altruiste de Scalabrini, Laforest nâaurait probablement jamais endossé lâuniforme des Capitales. Et ce, même sâil avait déjà évolué dans les majeures.
Michel Laplante mâa donc téléphoné afin dâexpliquer quâil ne voulait pas â et ne pouvait pas â rouvrir ce genre de débat pour une deuxième fois en lâespace de quelques semaines. Dans lâimmédiat, malgré tout ce que jâavais accompli dans le monde du baseball, il nây avait donc pas de place pour moi au sein de son équipe.
â Je veux que tu viennes jouer pour nous, mais je ne peux pas le faire, a-t-il expliqué. Je sais que ça peut paraître ridicule de dire non à un joueur comme toi. Mais pour les joueurs de notre équipe, le poste quâils détiennent est en quelque sorte toute leur vie. Ils ont déménagé ici pour jouer avec les Capitales et ils ne gagnent pas beaucoup dâargent. Ce serait contre toutes nos valeurs de libérer lâun de nos quatre vétérans dans des circonstances pareilles.
Sur le coup, je dois avouer que mon ego a encaissé un petit choc. Je me demandais comment le gérant dâune équipe indépendante pouvait lever le nez sur un joueur de 34 ans qui arrivait directement des ligues majeures et qui était, de surcroît, un ex-joueur étoile.
Mais en même temps, je savourais littéralement le discours que Laplante était en train de me servir. Jâavais au bout du fil un dirigeant dâéquipe qui aimait et défendait ses joueurs! Jâéprouvais donc beaucoup de respect pour la position quâil avait adoptée. Je me disais quâà sa place, la quasi-totalité des hommes de baseball mâauraient probablement ouvert les portes sans hésiter et sans trop se soucier de lâautre joueur quâils auraient eu à congédier.
De mon côté, jâavais encaissé pas mal dâargent dans ma carrière et je nâétais plus obligé de jouer pour gagner ma vie. La possibilité de porter les couleurs des Capitales était pour moi une option parmi dâautres, un chemin que je voulais emprunter pour tenter un retour dans les grandes ligues. Mais les joueurs des Capitales, eux, nâavaient pas dâautre option. Leur poste au sein de cette équipe était leur gagne-pain.
â OK, Michel. Il nây a aucun problème. Je respecte énormément ta position et ta philosophie. Et je ne veux surtout pas déranger ou créer de conflit au sein de votre équipe, ai-je répondu.
â Jâai quand même quelque chose à te proposer, a renchéri Laplante. Si tu veux venir tâentraîner avec nous, tu es le bienvenu. Tu auras un receveur à ta disposition et ça te permettra de retrouver la forme à ton rythme et de tâintégrer au sein de lâéquipe. Si tu veux quâon sâimplique un peu pour travailler sur ta mécanique, nous allons le faire. Tu pourrais aussi conseiller nos lanceurs, ce qui serait extraordinaire. Puis en bout de ligne, des blessures surviendront inévitablement, et nous finirons par tâinsérer dans lâalignement.
Jâai demandé à Michel de me laisser le temps dây réfléchir un peu mais mon idée était presque faite. Jâavais envie de revenir jouer chez nous. Au bout de quelques jours, je lâai donc rappelé.
â Ãcoute, Michel, ton offre mâintéresse. Câest une expérience que jâaimerais vivre.
Le plan était alors très clair. Jâallais me joindre aux Capitales et mâentraîner avec eux pendant plusieurs semaines, jusquâà ce que lâoccasion de mâinsérer dans lâalignement finisse par se présenter.
Le 26 mai, à 48 heures du début de la saison de la ligue Can-Am, le site internet RueFrontenac.com a annoncé en primeur mon arrivée chez les Capitales.
Dans les bureaux de lâéquipe, les appels se sont alors mis à fuser de partout. Pour les médias nationaux canadiens et américains â certains ignoraient même lâexistence de la ligue Can-Am â, il sâagissait dâune nouvelle pour le moins inusitée.
Dans le monde du baseball professionnel, on regarde souvent le baseball indépendant de très haut, comme sâil sâagissait de
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