Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
lâéchelon le plus bas auquel un joueur puisse sâaccrocher. Un peu tout le monde se demandait donc ce quâun ex-récipiendaire du trophée Cy Young pouvait bien vouloir prouver en allant jouer à Québec. Peu de gens comprenaient ce que jâessayais dâaccomplir.
Avant même que jâaie le temps de me rendre à Québec, Michel et moi avons toutefois été contraints dâoublier la planification que nous avions faite.
Les Capitales étaient allés disputer une série de matchs au New Jersey et lâun de leurs quatre vétérans, le lanceur Orlando Trias, sâétait gravement blessé au coude. Sa saison était foutue.
Je me suis donc présenté à Québec plus rapidement que prévu. Et les Capitales ont organisé une conférence de presse afin dâofficialiser mon arrivée au sein de lâorganisation.
Assis à mes côtés, Laplante était parfois mal à lâaise durant cette rencontre avec les représentants des médias. Il était au courant de ma situation et les questions des journalistes démontraient assez clairement quâon sâattendait à me voir réussir 15 retraits sur des prises à chaque partie.
Jâessayais dâexpliquer que je devais avant tout retrouver la forme et que dans les camps dâentraînement, il nâétait pas rare quâun lan-ceur des majeures se fasse solidement cogner par des frappeurs de niveau A ou AA. Peu importe lâéchelon où ils se situent, les joueurs professionnels sont des joueurs professionnels. Tous les jours, ils font tous face à des lanceurs dont la rapide file à plus de 90 milles à lâheure.
Au sein de lâorganisation, joueurs et entraîneurs ont alors commencé à se demander si je ne venais pas de me «peinturer dans un coin» en décidant dâaller jouer à Québec.
â Gagné a tout à perdre. Sâil domine outrageusement, les gens se diront que câest normal. Et sâil éprouve des difficultés, ils diront quâil est fini.
Dès mon arrivée, le gérant des Capitales a constaté quâil venait de mettre la main sur un lanceur qui voulait toujours quâon lui remette la balle.
â Pourquoi ne pas entreprendre un match le plus rapidement possible? lui ai-je demandé.
Méthodique, Laplante avait lâhabitude de planifier minutieusement les sorties de ses lanceurs et dâexercer un suivi constant de leurs performances. Mais durant cette saison 2009, je lâai pour ainsi dire forcé à développer des talents dâimprovisateur et de négociateur!
Il a souvent répété que parmi tous les lanceurs quâil avait côtoyés au cours de sa vie, jâétais celui quâil avait eu le plus de difficulté à retirer des matchs.
â Ãâa pas dâallure! Si je te laissais décider, tu ferais 150 lancers à tous les matchs! déplorait-il.
Après quelques semaines, peut-être un mois, ces négociations sans fin sont cependant devenues une sorte de jeu entre nous. Pour favoriser la guérison de mon épaule, Michel essayait de gérer le nombre de lancers que jâallais effectuer dans chaque match. Par exemple, si la limite était fixée à 80 lancers, il venait éventuellement me voir entre les manches pour me dire:
â Je te laisse encore faire 10 lancers et je te sors.
â Non! Je me sens bien! Je peux facilement en faire 25, répliquais-je.
Et nous finissions généralement pour nous entendre sur une limite de 15 lancers supplémentaires.
Quand jâétais au monticule et que je savais que ma limite de lancers avait été atteinte, jâessayais de le prendre de court avant quâil ne quitte lâabri. Discrètement, je déployais mes doigts le long de ma jambe afin de lui faire savoir que je voulais effectuer trois ou quatre lancers de plus.
Parfois, entre les manches, nous nous rendions dans le tunnel menant au vestiaire afin de pouvoir «négocier» plus librement. Les autres joueurs de lâéquipe rigolaient. En dâautres occasions, dès que je le voyais sâattarder sur le nombre de lancers que jâavais effectués, jâallais directement le voir et jâessayais de le faire changer dâavis.
â Hey Michel, ça va super bien! Je suis vraiment en train de retrouver
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