Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
Dodger Stadium pouvait ressentir de la nervosité à lâidée de jouer au stade municipal de Québec.
Mais ce nâétait pas le match qui mâeffrayait. Mâinstaller au monticule et lancer des balles était ce que je savais faire le mieux. Câétait le seul job que jâavais eu dans ma vie. Cette petite butte était mon bureau, lâendroit où je me sentais le plus à lâaise. Presque en sécurité. Je ne craignais donc pas de lancer ce match, même si je nâétais pas physiquement prêt à le faire.
Câétaient plutôt les séquelles du Rapport Mitchell qui me rendaient anxieux. Pour la première fois depuis la publication de ce document, jâallais être présenté à une foule exclusivement québécoise et jâappréhendais la manière dont les gens allaient mâaccueillir. Je me sentais mal dâavoir évité de revenir chez nous et dâavoir gardé le silence durant tout ce temps. Je ne savais pas si on allait mâen tenir rigueur.
De façon générale, je mâattendais à ce que lâaccueil soit plutôt favorable. Mais un groupe de spectateurs hargneux nâa pas nécessairement besoin dâêtre très imposant pour gâcher la journée dâun athlète. Je lâavais appris à Boston.
Quand je me suis dirigé vers le monticule avant lâinterprétation des hymnes nationaux, les gens se sont levés dâun seul trait et ils mâont servi une ovation de plusieurs minutes. Ãmu et soulagé, je me suis mis à pleurer comme un enfant. Derrière ces applaudissements et ces cris, jâentendais: «On se fout du passé. Nous sommes juste contents que tu sois là et nous allons te supporter à 100%.»
Cette démonstration signifiait beaucoup pour moi. Elle démontrait que malgré les erreurs que jâavais commises, les gens avaient apprécié ce que jâavais accompli dans le baseball majeur.
Pour ce qui est de lancer, par contre, malgré lâincroyable accueil auquel jâavais eu droit, je nâétais pas prêt à performer de façon acceptable dans un match. Je le savais mais je voulais recommencer à lancer le plus rapidement possible parce quâaprès mes traitements de prolothérapie, les médecins avaient été catégoriques:
â Il faut que tu lances. La seule façon de réparer ton bras, câest de continuer à lancer. Maintenant, il ne nous reste quâà espérer que ça rentrera dans lâordre.
Quand le match a débuté, jâai ressenti un étrange feeling . à peine quelques mois auparavant, je lançais en série de division contre les futurs champions de la Série mondiale et je me battais pour retirer Jimmy Rollins et Chase Utley. Et là , je me retrouvais au stade municipal de Québec face aux Skyhawks de Sussex. Mes adversaires sâappelaient désormais Crespi, Bardequez, Jova ou Kmiecikâ¦
Et quelques minutes après le début de la rencontre, Crespi, Bardequez, Jova et Kmiecik faisaient la loi dans le stade, qui fut soudainement plongé dans le silence le plus total. Jâavais accordé un simple, un double et deux buts sur balles aux quatre premiers frappeurs à me faire face et il y avait autant de circulation sur les sentiers que sur le pont Pierre-Laporte.
à un certain moment, les Skyhawks avaient trois points au tableau et deux coureurs sur les sentiers alors que nous nâavions enregistré quâun seul retrait. Dans lâabri comme dans les gradins, je sentais le malaise sâinstaller et grandir. En silence.
On aurait pu entendre une aiguille tomber sur le marbre. Dans lâabri, Michel avait les mains moites et se demandait comment il allait pouvoir mettre fin à ce carnage de manière élégante.
Soudain, un spectateur sâest levé dans les gradins. Et à pleins poumons, il sâest écrié:
â Ãriiiiic! On tâaime et on est avec toi!
Puis dâun seul trait, la foule sâest levée pour recommencer à applaudir. Cette scène émouvante a complètement changé lâallure de la soirée.
Nous sommes revenus au bâton avec un déficit de 0-3. Toutefois, mes coéquipiers ont pris les choses en mains, répliquant avec quatre points.
Nous avons finalement remporté la rencontre au compte de 7 à 6.
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