Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
barbes, de même que les t-shirts auxquels on greffait une barbichette se vendaient comme des petits pains chauds à Los Angeles. Cette barbichette avait sans contredit contribué à remplir les coffres des Dodgersâ¦
Et là , je me retrouvais devant un membre de la direction qui mâordonnait de me raserâ¦
Je nâai jamais été du type prima donna. Câest même tout le contraire. Dans ma vie, jâavais toujours abordé le baseball avec humilité. Ce nâétait donc pas la demande du directeur des Dodgers qui me heurtait. Je savais fort bien que câétait un règlement de lâorganisation et que les joueurs des ligues mineures devaient se raser.
Jâétais dans les mineures et il me fallait repartir à zéro. Je mâétais justement présenté à ce camp dans cet état dâesprit. Et les règlements étaient faits pour être respectés.
De Jon Waston sâétait-il mal exprimé? Les propos échangés durant cette courte conversation avaient-ils écorché mon ego? Chose certaine, la manière dont le message avait été livré mâavait profondément insulté. Et ça, câétait mon problème. Pas celui de Watson.
La tournure des événements me décevait. Jâétais hors de moi. Alors jâai réfléchi et je me suis demandé: «Pourquoi suis-je aussi fâché?» Avant de quitter Camelback Ranch pour rentrer à la maison, jâai téléphoné à Val pour lui raconter ce qui venait de se produire. Jâavais besoin du recul quâelle pouvait mâapporter. Après mâavoir écouté, elle mâa posé exactement la même question:
â Si câest un règlement, pourquoi es-tu aussi fâché?
Je connaissais Ned Colletti. Les choses se seraient sans doute passées différemment sâil mâavait pris à lâécart pour me demander de me conformer au règlement de lâéquipe. Mais là , il nâétait pas question que je rase cette barbe!
Et en mon for intérieur, je me disais:
«Si tu préfères ne pas te raser, mon vieux, je vais te le dire sérieusement, ça signifie que tu nâas plus le goût de jouer. Si tu préfères rentrer chez toi au lieu de te conformer au règlement de lâéquipe, ça veut dire que ton désir de jouer se situe en dessous de 100%.»
Valérie et moi avons continué de discuter. Puis jâai fini par lâcher le morceau.
â Val, je pense que je veux prendre ma retraite.
Il y a eu un moment de silence.
Dans les fractions de seconde qui ont suivi, je suis certain que les images des trois ou quatre dernières années défilaient dans sa tête. On aurait dit que jâentendais un vieux projecteur tourner. Il diffusait des moments que nous avions vécus ensemble, loin du terrain, pendant ma descente aux enfers à Boston. Il y avait aussi de nom-breux blancs: tous ces mois que nous avions écoulés séparément, en 2008, pendant que jâétais à Milwaukee et quâelle était alitée en Arizona en attendant la naissance de Harley, notre quatrième enfant. Elle revisitait probablement aussi notre séjour à Québec, qui sâétait bien terminé mais qui avait aussi été marqué par des moments très difficiles.
«Sâil nâa pas été en mesure de dominer de façon constante dans la ligue Can-Am, pourra-t-il jouer à la hauteur de ses attentes dans les majeures et être heureux à nouveau?», se questionnait-elle.
Elle ne me lâavait jamais dit, mais Val était à bout. Elle nâen pou-vait plus. Elle avait hâte que je rentre à la maison. Mentalement, sâentend.
à ses yeux, je nâétais plus le même depuis les trois dernières années. Et elle nâavait pas tort. Les contre-performances mâavaient rendu taciturne et absent. Elles mâavaient même fait traverser des périodes de grande déprime. Et cette bataille acharnée, presque maladive, que je livrais chaque jour au gymnase dans lâespoir de remettre mon corps en état et de redevenir un lanceur dominant, était pour ainsi dire devenue ma seule préoccupation. Mon obsession.
Celle qui mâavait accompagné depuis le début, dans les meilleurs comme dans les pires moments, avait lâimpression que
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