Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
tels produits sâest poursuivie la saison suivante et que les six compères discutaient souvent, et très normalement, de cette situation lorsquâils se retrouvaient au stade ou dans le vestiaire. Ils ne craignaient ni représailles ni opprobre.
Jâai été témoin de cette période. Quand jâétais rétrogradé au niveau AAA au cours de la saison 2000, mon casier se situait entre ceux de Mike Judd et de Jeff Williams. Je me rappelle dâavoir été assis à mon casier et de les avoir vu se passer un sac. Et lâun des deux joueurs avait donné au second des instructions ou des conseils quant à la fréquence des injections quâil devait sâadministrer.
En une autre occasion, jâétais encore assis à mon casier, et Seyler était venu demander à lâun de mes voisins:
â Et puis, as-tu commencé ton cycle?
Jâétais complètement innocent en matière de dopage. Je ne savais même pas ce quâétait un «cycle». Et sur le coup, je nâavais pas vraiment fait attention à leur discussion.
Quelques semaines plus tard, par contre, toutes les pièces du puzzle se sont rassemblées dans ma tête. Les joueurs en question passaient alors des commentaires du genre:
â OK, mon bras va bien maintenant!
Ou encore:
â Je commence à lancer plus fort!
Et il me semblait quâils lançaient effectivement plus fort.
Herges, Williams, Judd, Stone et Lo Duca avaient une histoire commune, un cheminement de carrière semblable. En 1997, ils avaient tous porté les couleurs du Mission de San Antonio au niveau AA. Et la saison suivante, ils avaient tous gradué ensemble au niveau AAA.
En 2000, seul Herges était parvenu à graduer avec les Dodgers dans le baseball majeur. Les quatre autres étaient donc bloqués au niveau AAA depuis plus de deux ans. Certains dâentre eux étaient rappelés occasionnellement dans les majeures pour faire des remplacements, mais ils ne parvenaient pas à sây tailler une place régulière.
Avec le recul, je pense que câétait dans des circonstances semblables que le recours à des substances dopantes devenait une solution attrayante pour de nombreux joueurs. Les frappeurs se mettaient à croire quâils devaient cogner un peu plus de circuits pour gravir le dernier échelon et les lanceurs se disaient que si leurs lancers gagnaient deux ou trois milles à lâheure de plus, les embûches allaient sans doute être moins nombreuses sur leur chemin.
Peu importe la discipline sportive, lorsquâon se retrouve tout près du sommet de la pyramide, lâécart entre les meilleurs joueurs et les joueurs de soutien est souvent minime. Par exemple, la différence entre un frappeur de ,250 et un frappeur de ,300 se résume à environ 25 coups sûrs pour lâensemble de la saison. On parle ici dâune différence dâenviron un coup sûr de plus par semaineâ¦
Pour des joueurs de niveau AAA comme eux, le destin pouvait se jouer sur une très courte période de temps, presque sur un claquement de doigts.
Un joueur des majeures pouvait se blesser à nâimporte quel moment et ils pouvaient être rappelés dans les majeures nâimporte quand. Et une fois arrivés au sein du Show , ils nâallaient bénéficier que dâune semaine ou deux pour faire bonne impression auprès des dirigeants de lâéquipe.
Au fil des saisons, après quelques rappels, les joueurs finissent toutefois par se faire accoler une étiquette correspondant aux performances quâils ont livrées dans les grandes ligues. Et je crois que ces joueurs, qui avaient longtemps joué ensemble, vécu ensemble et qui formaient une espèce de clan, tentaient dâéviter cette fameuse étiquette, ou encore de sâen défaire.
Un joueur comme Paul Lo Duca, par exemple, a certainement dû se poser de sérieuses questions durant son cheminement dans les ligues mineures. Il était un athlète extrêmement travaillant qui avait, de surcroît, connu beaucoup de succès à tous les échelons où lâorganisation des Dodgers lâavait assigné. Et après sept ou huit ans de carrière, il nâavait toujours pas eu sa chance de jouer dans les majeures sur une base régulière. Même chose pour Matt Herges, dont le séjour dans
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